Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Exclusif. Les kurdes lancent l’offensive sur Raqqa, fief de Daech

Publié le 06/11/2016 à 10h14 | , , , , , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

EXCLUSIF 

L’heure de la bataille de Raqqa a sonné!

Cette fois, c’est en Syrie que l’ heure de l’assaut final contre l’état islamique a sonné.  La bataille de libération de Raqqa va débuter. Une offensive qui doit être lancée aujourd’hui même, m’ont assuré plusieurs sources diplomatiques et issues du monde du renseignement, et ce, en avance sur les prévisions.

A la baguette et à l’origine de cette décision tactique, les kurdes syriens:  Les « unités de protection du peuple », ces hommes (YPG) et ces femmes (YPJ), qui à l’issue d’un exploit guerrier inouï, avaient réussi en 2015 à briser le terrible siège de Kobané, assiégée depuis des mois  par des hordes de jihadistes lancées à l’assaut de la ville par leur chef Abu-Bakr-el-Bagdadhi.

L’état-major kurde a décidé de précipiter l’attaque, où plutôt de l’avancer dans le temps compte-tenu de plusieurs facteurs. « L’urgence guide dit off the record, un des leaders du YPG. D’abord l‘hiver arrive et sera très rude, il faut agir maintenant, car le froid est notre ennemi aussi,  il faut avancer et aller au plus vite, aussi pour libérer les population de la ville qui vivent le martyr. Nous savons ce que c’est qu’un peuple en souffrance. Nous devons y aller maintenant alors que Mossoul est attaqué de son coté par les irakiens, bataille à laquelle certains de nos ‘ »frères » , kurdes syriens, participent ». Une  donne majeure joue son rôle aussi: le contexte politique local, et la volonté d’écarter la Turquie -qui multiplie les opérations de répression contre les politiques ou journalistes kurdes- du processus militaire.

L’offensive sera menée conjointement avec les FDS, les forces démocratiques syriennes, qui réunissent différents groupes et milices venues de tous horizons (sunnites, assyriens, kurdes,tribus locales…) et sont soutenues ouvertement  par les USA. C’est donc une coalition arrabo-kurde qui s’en va à l’assaut du bastion symbole de l’état islamique, de la vraie capitale du faux état. Les turcs,  depuis leur retournement et leur engagement militaire contre Daech, ont manifesté de sérieuses velléités de se mêler à la bataille. « Ils n’en seront pas, même pas en rêve assure une combattante syrienne ». La semaine dernière, l’état-major kurde l’avait annoncé: « Nous irons à la bataille seuls. Pas question que les turcs s’en mêlent ». En imposant leur timing de l’offensive, dont les diplomates US annonçaient qu’elle devait intervenir plutôt à la fin du mois, les kurdes entendent bien signifier qu’ils sont la seule force capable de défaire l’état Islamique, que c’est leur mission, leur devoir, n’en déplaise à la Turquie, qui poursuit depuis des des semaines des discussion tendues avec Washington quant à de la répartition des rôles.

L’offensive est ainsi déclenchée alors qu’aux abords de Mossoul, les irakiens sont à la peine mais poursuivent leur effort. C‘est le moment où jamais dit un kurde de Kobané joint au téléphone. La route menant de Mossoul à Raqqa a été coupée par les milices chiites. A nous de libérer Raqqa et d’en finir avec ce prétendu état islamique et son pseudo-calife ». 

Comme à l’habitude, les kurdes,- que j’avais suivi dans Kobané assiégée  alors qu’ils commençaient à reprendre du terrain à l’hiver 2014 – restent discrets sur leurs plans, leurs tactiques, le nombre de combattants et de combattantes engagées. Les femmes seront sans nul doute comme à l’habitude « à la pointe de l’épée ».  Leur courage leur incroyable détermination et leur savoir-faire militaire ne sont plus à démontrer.  Les jihadistes les craignent d’ailleurs plus que tout, persuadés que si c’est une femme qui les tuent, les portes de leur prétendu  « Paradis » leur seront fermées!.

Peu d’information à cette heure sur le degré de coopération avec les avions de la coalition. Les kurdes disent n’en attendre pas grand-chose. La manière dont Washington ménage en ce moment Erdogan et discute avec la Turquie, membre de l’OTAN, les indignent. Ils se souviennent du temps où les turcs, jouant en eaux troubles, soutenaient en sous-main Daech. Les kurdes ne veulent dans ces conditions ne s’en remettre qu’à eux-mêmes.  Ils se souviennent que la bataille de Kobané s’est gagnée au sol. Ils savent de toutes les façons que c’est à terre, rue par rue, maison par maison, qui promet d’être féroce et délicat,  que se jouera la bataille de Raqqa. Et en matière de combat urbain, ils l’ont prouvé, ils sont les seuls à pouvoir agir efficacement en Syrie contre l’état islamique.

« Notre action est néanmoins, dit l’un d’eux, un appel adressé  à l’Occident. En Syrie, Les populations kurdes comme arabes souffrent terriblement, nous manquons de tout et lançons une fois encore un appel à la communauté internationale, pour qu’une action humanitaire d’envergure soit enfin lancée. Venez au secours des femmes, des enfants et des hommes, simples civils, qui endurent les ravages des bombes où de la tyrannie, au secours des populations déplacées, imposez l’ouverture de corridors humanitaires aux turcs plutôt que de vous perdre en vaines discussions, et pousse des cries d’orfraies sans rien faire ».

La détermination des forces kurdes des unités de protection du peuple, et de leurs alliés des forces syriennes démocratiques (FDS) est totale. « Nous savons l’ampleur de la tache, la difficulté de la mission qui nous attend, dit un membre des FDS, mais nous irons jusqu’au bout, quoiqu’il nous en coute, et nous protégerons chaque civil menacé  de nos propres corps ». L’objectif vise aussi à imposer de fait l’idée que seuls les kurdes peuvent, par delà une manœuvre d’encerclement de Raqqa, rentrer dans la ville pour défaire les jihadistes. Stratégie à laquelle s’oppose avec virulence la Turquie d’Erdogan…

L’armement des kurdes, victimes d’un embargo dû à leurs liens avec le PKK, ne s’est guère amélioré depuis la bataille de Kobané. les femmes et les hommes sont loin, très loin de bénéficier des équipements des forces irakiennes; Pas de réelle artillerie, d’armes lourdes performantes, de gilets pare-balles, pas de casque, pas d’équipement de vision nocturne, des uniformes dépareillées et des baskets pluto que des treillis où rangers,  mais une ténacité,  un courage, une capacité au combat et une discipline hors-normes qui compensent ce cruel déficit.

Il faudra puiser dans ces ressources humaines insondables, pour mener à bien cette offensive décisive visant à en finir avec le califat auto-proclamé. La nuit dernière, des mouvements de troupe ont débuté. Ce matin une annonce officielle devrait intervenir dans les médias kurdes.  La bataille de Raqqa est lancée.

Frédéric Helbert

A suivre…


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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