Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


le spectre des écoutes. Partout, toujours, tout le temps.

Publié le 12/03/2014 à 23h12 | , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

Le gouvernement a changé, la bande de Sarko s’en est allée,  la gauche aux vertueuses volontés est arrivée, mais les habitudes ont la vie dure:

Au sein du monde judiciaire, les magistrats, les juges gérant toutes les affaires sensibles, économiques où financières, terroristes où autres se méfient comme de la peste du téléphone, fixe ou portable… Certains même n’ont jamais, jamais  utilisé les téléphones cryptés, outils qui leur sont fournis par l’administration pour justement protéger leurs communications.  Les mallettes sont restés à l’état neuf. j’en ai vu…

De leur propre aveu certains juges sont persuadés, du fait qu’ils traitent d’affaires luta-sensibles, qu’ils sont, où ont été écoutés. Que ces écoutes, sauvages, anti-républicaines s’il en est perdurent et perdureront quel que soit le régime en place. Et que ces écoutes sont commanditées par la plus haute hiérarchie politique.

J’ai longtemps pensé qu’il s’agissait de « parano », jusqu’au jour où de retour d’une mission à Gaza, ou j’avais eu un contact téléphonique avec un magistrat anti-terroriste (aujourd’hui peut-être encore en poste, peut-être ailleurs dans le monde judiciaire, peut être à la retraite, allez savoir, il fat protéger ses sources..) m’a fourni la preuve du contraire. L’un des policiers qui était assuré de charger la protection de ce juge est, peu de temps après la conversation, rentré dans son bureau et lui a dit: « Alors il va bien Helbert à Gaza ». Une manière d’indiquer au magistrat que son téléphone, où le mien, mais plutôt le sien, était placé sous écoutes… Car ledit policier n’avait aucun autre moyen de savoir… « Il va falloir faire gaffe maintenant » m’a dit ce juge, avec lequel j’entretenais une relation amicale et une conversation permanente passionnante  sur al Qaida et les mouvements jihadistes de part le monde. Nous n’échangions pas sur des secrets d’état concernant l’évolution de ces dossiers.

Ma passion pour le terrorisme et le contre-terrorisme depuis le début de ma carrière m’a amené longtemps à fréquenter le petit milieu, qui s’est agrandi désormais, des juges et des parquetiers anti-terroristes qui géraient les dossiers sensibles par essence. Et je repense à cette occasion avec émotion, au formidable juge Boulouque, qui s’est donné la mort, après avoir été instrumenté honteusement par le pouvoir politique de l’époque,(gouvernement Chirac sous présidence Mitterand)  et lâché par sa hiérarchie lorsqu’il tentait de défendre son honneur, cette hiérarchie qui avait permis son inculpation pour « violation du secret de l’instruction » sur plainte de Fouad ali Salah, le patron du réseau des poseurs de bombes ayant multiplié les attentats sur ordre de l’Iran de l’ayatollah Khomeny. Hier, avant-hier, aujourd’hui encore, ceux qui portent le flambeau de cette lutte anti-terroriste, se heurtant parfois à la raison d’état,laquelle peut les broyer s’ils n’ont pas le cuir dur,  se méfient comme de la peste de leurs téléphones. Voire même des policiers chargés de leur protection,  (des équipes souvent tournantes), susceptibles de rapporter à leur propre hiérarchie, des conversations secrètes… C’est dire… Un jour que nous allions déjeuner avec l’un de ces hommes, nous avions emprunté sa voiture de fonction. Gyrophare, suiveuse, et quelques prises de liberté avec le code de la route, c’était grisant…  Deux policiers spécialisés dans la protection rapprochée s’y trouvaient. J’ai commencé à parler d’un dossier délicat. D’un signe le magistrat m’a fait comprendre qu’il valait mieux me taire…

Un autre me disait encore récemment sa conviction qu’il avait été écouté, et serait susceptible de l’être à nouveau,  qu’on lui en avait fourni « la preuve ». Que la hiérarchie et les politiques ne pouvaient s’empêcher de mettre les doigts dans « le pot de confiture ». Et de tenter de recueillir d’une manière où d’une autre des renseignements  sur des dossiers ultra-sensibles traités par des acteurs majeurs  de la scène judiciaire.

Cette règle – rien au téléphone- pour éviter le risque d’une confidence qui serait écoutée, vaut aussi pour nombre de policiers, haut-fonctionnaires, où autres sources potentielles, Où des journalistes! « Sous l’ère Sarkosy, dit l’un d’eux, tout le monde était sur le qui vive ». On se souvient du scandale des journalistes du Monde écoutés par la DCRI, alors qu’ils enquêtaient sur l’affaire Béttencourt. Nicolas Sarkosy, ou les hommes de sa garde « rapprochée » ne rechignaient jamais à utiliser tous moyens, voire à faire appel  directement à de policiers de haut-rang, pour  « surveiller et s’occuper de tel où tel« . Dans cette logique, faisant fi de tous les règles de loi,  les juges, ses ennemis intimes, étaient coeur de cible.

Et donc une fois battu, l’arroseur s’est trouvé arrosé. Avec une armada de policiers, (il faut imaginer le nombre de fonctionnaires nécessaires) pour écouter pendant une durée d’une longueur sans précédent (hormis peut-être à l’époque des écoutes sauvages de la cellule dite anti-terroriste de l’Elysée montée de par la volonté du monarque Mitterrand. Qui a toujours nié l’évidence), un homme tel que Nicolas Sarkozy, qui passe sa vie au téléphone…  Les volontés du monarque Mitterrand, bête politique à l’aura énorme, mais féru des petits et grands secrets des uns et des autres avait confié la base besogne au colonel Prouteau, ex-fondateur du GIGN, devenu le mousquetaire du Prince. Jeune journaliste,( ce que je suis toujours!), j’ai eu le privilège de figurer sur une liste dressée par l’enquêteur  Jean-Marie Ponthaut, des personnes écoutées par la cellule (un inventaire à la Prévert que cette liste). Par ricochet, puisque j’entretenais  des échanges réguliers avec un certain… Jean Eden Hallier…

Plus fort encore, au sein même de services comme la DGSE, la DCRI,  on se méfie aussi comme la peste des téléphones. Les contacts que j’ai pu (possiblement) avoir, notamment lorsque après 8 mois d’enquête, j’ai révélé, preuves, photos, documents médicaux à l’appui, l’usage d’armes chimiques en Syrie, où dans le cadre d’autres affaires sensibles disaient toujours: « Rien au téléphone, On se voit en tête à tête« . (sauf qu’on se voit plus depuis un vilain « plan » dont je me réserve de révéler un jour les détails)…

Du coup, au fil des ans, contaminé par le réflexe de prudence des uns et des autres, qui n’a jamais disparu après l’élection de François Hollande, dans le cadre de plusieurs enquêtes menées où en cours, j’ai du faire l’acquisition d’une collection de téléphones et de lignes qui y sont associées, acquises grâce à l’aimable concours d’amis, où d’amis d’amis… Ou bien j’ai acheté des puces, qui sont mortes de leur belles mort, fautes que l’opérateur X,Y, ou Z ait reçu une photocopie de mon passeport où autre pièce d’identité valide. C’est ainsi, et le budget téléphonie est lourd pour protéger certaines conversations sensibles. Mais hélas nécessaire. Pour protéger ses sources, et se protéger soi-même d’une curiosité de mauvais aloi.

Evidement ce système ne fonctionne que si une ligne est consacrée à un seul interlocuteur possédant un téléphone dont il est vraiment sur, ou une ligne acquise dans les mêmes conditions. Sinon appeler quelqu’un qui serait sur écoutes avec une ligne « aveugle » reviendrait à se faire accrocher par les « grandes oreilles ».

Alors l’on peut imaginer aisément que Nicolas Sarkosy, qui est loin d’être le seul, se sachant dans le collimateur officiel, où s’imaginant dans celui d’officines privées, dont le chiffre d’affaires est florissant, ait eu recours à une identité d’emprunt, pour tenter de préserver le secret de ses discussions avec les uns où les autres. Mais c’était sans compter la volonté implacable des juges de ne pas perdre le « contact » avec leur cible. Reste à éclaircir le mystère de son identité d’emprunt: Paul Bismuth. L’homme existe vraiment, et est un camarade perdu de vue de l’avocat Thierry Hertzog. Mais alors quelle pièce d’identité d’un homme avec lequel l’on n’a pas de contact a été fourni à l’opérateur, petit ou grand, qui vend des puces à gogo, jusque dans les débits de tabac, et demande à celui qui les achète de justifier de son identité au bout d’un délai assez court? Encore un mystère à éclaircir…

Reste que le spectre a toujours été là et demeure plus que jamais. Et pas seulement pour les truands, terroristes ou trafiquants de came,  qui présentent ou envoient des fausses pièces d’identité à gogo… Mais aussi pour ceux chargés de leur faire la chasse, et dont le pouvoir veut connaitre petits et grands secrets…

« Il ne faut pas se leurrer »se lamente un magistrat qui connait la musique. Nous sommes des cibles  potentielles aussi pour ceux qui veulent savoir ce que nous savons. A n’importe quel prix.  Au mépris des principes démocratiques les plus élémentaires. Les écoutes téléphoniques, judiciaires, et  administratives (ne nécessitant pas l’aval d’une autorité autre que politique) , où sauvages opérées par des officines spécialisées, parfois pour le compte de gens à priori parfaitement recommandables,  ont encore de beaux jours devant elles.  Et nul ne (me) fera croire que la Présidence de Francois Hollande, qui se voulait à l’exact opposé de celle de Nicolas Sarkosy, va entreprendre le ménage et un changement de méthodes radical en la matière ».

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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