Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Nairobi: la torture infligée au otages des Shebab. découverte de l’abomination.

Publié le 29/09/2013 à 03h34 | , , , , , , , , , ,  | 4 commentaires

L’horreur absolue à Nairobi

Même les médecins légistes, qui poursuivent leur travaux d’identification au Kenya, ont subi un choc terrifiant en découvrant ce qui a été infligé par les Shebab auteurs de l’attaque de Nairobi aux otages qu’ils ont retenu jusqu’au bout: des dizaines de femmes, d’hommes, d’enfants, ont subi des tortures, dont la violence dépasse l’entendement. Les premiers témoignages faisant état de signes évidents de tortures  recensés, sur des dizaines de cadavres sont venus de militaires kenyans, et de secouristes et experts de médecine légale chargés de retrouver et d’identifier les victimes dont les corps sont restés jusqu’au bout à l’intérieur du Mall de Westgate.

« Dans ma vie a confié un médecin militaire israélien, j’ai vu des choses terribles, mais jamais un tel « catalogue d’horreurs » que celles  infligés aux otages du Mall de Nairobi, et ce juste pour marquer effroyablement les esprits parce que les otages n’étaient l’enjeu d’aucune négociation. Certains d’entre nous n’ont pas réussi à surmonter et n’ont pas pu continuer« . 

Il faut dire que dans la barbarie, un niveau à peine croyable a été atteint, selon plusieurs témoins directs. En menant leurs recherches à l’intérieur du « Westgate Mall », militaires et secouristes ont été confrontés au « spectacle » d’une abomination sans bornes. Membres arrachés, mains doigts coupés,  yeux crevés, nez, oreilles coupés, sexes tranchés, corps lézardés de dizaines de coup de couteau, certains pendus à des crochets comme des « morceaux de viande ». Des otages, dont les corps ont été retrouvés démembrés ont été jeté vivants du 3ème étage du bâtiment. Les terroristes se sont servis, semble-til, d’outils, ou de matériel de boucheries, pour égorger leurs victimes, quelque soient leur âges. De nombreux enfants où adolescents, parfois des bébés ont subi le même sort que les plus vieux. Des corps ont été retrouvés pendus ou des couteaux plantés sur tout le corps, notamment dans les grands frigos, de boucheries où restaurants du centre commercial. « Quand on se rend compte de cela dit un expert de médecine légale, on se dit que « les plus chanceuses » parmi les victimes ont celles qui ont été exécutées par balles. Car nombre d’otages sont morts « lentement » des suites des blessures dues aux tortures qu’ils ont subies ».

Des tortures faisant partie de la stratégie de terreur

Ces tortures semblent avoir été infligées pendant les longues heures du siège, et le rythme s’est accéléré lorsque les shebab ont senti que la fin approchait. « Comme pour laisser une empreinte encore plus terrifiante et inoubliable dans les esprits dit un policier. On ne peut pas parler d’une ultra-violence « gratuite », mais d’une volonté délibérée d’ajouter de la terreur à la terreur, et de montrer que pour les terroristes, il n’y avait pas de limites, que des exécutions à bout portant, ce n’était rien en comparaison de ce qu’ils pouvaient faire à l’arme blanche ou avec leurs mains, aux otages. Un déchainement d’horreurs pour l’exemple dans le cadre de ce que les shebab ont nommé « attaque punitive » contre le Kenya dont les forces sont rentrées en Somalie, pour mettre à bas les légions shebab alliées à Al Qaida » (des forces kenyanes  accusés d’ailleurs de tortures et crimes de guerres en Somalie).

Selon un autre enquêteur, il n’y a pas eu véritablement d’assaut final. Les Shebab  voyant l’issue approcher, ont alors fait le maximum de « dégâts » en un minimum de temps. Les forces chargées de donner le dernier assaut voyaient des corps tomber dans le vide en hurlant. Puis les Shebab ne seraient pas alliés à la confrontation. Ils se sont donnés la mort, s’immolant par le feu, pour d’après l’enquêteur « tenter d’empêcher toute identification, et empêcher  ainsi de remonter des pistes« . 

L’indicible à chaud

Cela évidement, ne correspond rien à la version « soft »,  sans détails donnés par le Président Kenyan lors de sa déclaration publique évoquant la fin de la longe attaque et de la prise d’otages, et la reprise de contrôle du centre commercial. « Mais comment aurait-il pu rentrer dans les détails s’interroge un diplomate français? L’insoutenable n’était pas racontable « à « chaud », encore moins à l’heure, où le chef de l’état Kenyan revendiquait « la défaite et l’humiliation de l’ennemi ». S’il l’avait fait, il aurait offert un « cadeau ultime » aux Shebab en traumatisant et terrorisant au delà du pays, les millions de téléspectateurs de la communauté internationale, dont toutes les chaines d’information retransmettaient en direct la déclaration présidentielle ».  

Reste que le secret n’aurait pu être gardé non plus. « La torture utilisée sous toutes ses formes est monnaie courante dans toutes les guerres » confie un ancien de l’armée française. Elle n’est pas le monopole des milices africaines , ou de groupes terroristes musulmans du Jihad. Les armées régulières, y compris occidentales, y ont recours aussi, d’une manière ou d’une autre, essentiellement pour obtenir du Renseignement.  Parfois en « déléguant » à des groupes, ou soldats alliés qui ne rechignent pas à accomplir le « sale boulot » pour obtenir des tuyaux… Cela a été le cas en Irak, en AfghanistanMais aussi plus récemment , selon des sources sures, au Mali ou l’armée française a détourné les yeux, et laissé les tchadiens « travailler » les prisonniers fait sur le terrain pour pouvoir gagner la bataille contre les hommes d’Abou Zeid dans le massif des Ifoghas. (enquête ultérieure à venir).  Elle est utilisée de manière massive aujourd’hui en Syrie.

 Mais jamais jusqu’à présent elle n’avait été employée à ce point, systématiquement, comme si cela aussi avait été planifié à l’avance tel un objectif opérationnel, avec un semblable degré d’horreur, au cours d’une attaque avec prise d’otages, menée par une organisation terroriste.  

Frédéric Helbert

NB: La diffusion « tardive » de ces informations compte-tenu du moment de leur découverte démontre, s’il en était besoin, qu’autant après les faits que la gestion de communication dans cette affaire, -pendant, après l’attaque- a été et reste à l’heure qu’il est « chaotique ». Entre les autorités kenyanes, leurs services de sécurité,  leurs alliés US et israéliens, les chancelleries européennes concernées du fait de la présence de ressortissants européens parmi les victimes, et les Shebab gérant eux même un fil continu de com ou de propagande, un grand confusion a régné quant aux informations rapportées ou non à la connaissance du public.

Mais La multiplicité des témoignages, leur croisements, leur provenance, ne laisse guère planer de doute sur les horreurs de cette torture infligée à nombre d’otages, dont on on a jamais su quel était le nombre exact (près de 150 ont prétendu les Shebab). Des shebab qui ont eu tout le temps d’accomplir leur sinistre besogne. alors que progressaient très prudemment les forces de sécurité dans le labyrinthe du mall,  progressions présentées à chaque fois comme autant des « tentatives d’assaut final », jusqu’au dénouement. De nombreuses zones d’ombres persistent à l’heure actuelle sur l’enquête, et notamment le sort de tous les membres du commando, le fait que certains aient survécu et soient détenus, leurs identités et nationalités exactes le bilan exact et définitif de l’attaque, etc… L’adage dit que « la première victime d’une guerre, c’est l’information ». Les informations sur la torture infligée aux otages, alors que la communauté de réfugiés somaliens, craint, et subit déjà des représailles partielles, menées parfois par des forces officielles, me sont venues de sources fiables.  Aussi fiables que celles qui m’avaient révélé que les Shebab avaient loué une boutique dans le shopping-center pour y entreposer un arsenal de guerre, information devenue une top story sur BBC news deux jours plus tard. Ce sont des informations ultra-sensibles et délicates, qu’il faut mettre en perspective, dans le cadre d’une stratégie de terreur totale, et de « réplique » à une guerre menée en Somalie, où tous les coups sont permis. Et où l’armée kenyane a été elle même -ce qui ne justifie rien, mais peut expliquer- été accusée de sévices, d’exactions, et de tortures, qui sont hélas le lot des guerres oubliées d’Afrique. Mais qui ont « défrayé aussi la chronique », j’y reviendrai, lors d’interventions d’armées occidentales dans le cadre de « la guerre contre le terrorisme ».

A suivre…


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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