Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Massacres à Gaza : Les erreurs, les fautes insensées du gouvernement Netanyahu.

Publié le 10/10/2023 à 18h36 | , , , , , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

« C’est la guerre et nous allons la gagner, et faire payer à l’ennemi un prix sans précédent ». Le propos tenu et répété à l’envie depuis 3 jours, par le 1er ministre Benjamin Netanyahu est devenu le mot d’ordre repris par les chefs militaires du pays. Mais le discours, pour l’heure, a peine à convaincre experts locaux ou internationaux, tout autant qu’une population totalement traumatisée, effarée, désorientée, bouleversée, et souvent en colère, tant les terroristes du Hamas ont pu, eux, mener leur opération de guerre totale – encore en cours à cette heure –  En brisant systématiquement toutes les défenses de l’état hébreu. En perpétrant massacres, tueries, et prises d’otages, sans être inquiétés, sans avoir en face d’eux, des forces capables d’une riposte immédiate. Et ce pendant plus de 6 heures! Parfois même 7 heures dans certaines zones. Alors que Gaza n’est, par la route, qu’à 55 kilomètres de Tel-Aviv et à moins de 80 kilomètres de Jérusalem …

On se souviendra longtemps des chaines de TV israéliennes, passées en édition spéciale, et qui recevaient en direct, des appels (téléphoniques) au secours, de personnes qui étaient sous la menace implacable des combattants du Hamas. D’aucuns se demandent combien de vies auraient pu, auraient dû être sauvées, si la réaction était venue dès les premières alertes.

« Nous avons d’abord failli en amont. Une faillite totale. A tous les niveaux. Nous avons commis la faute de croire en notre supériorité technologique, notre suprématie militaire, nos moyens hors-normes, consacrés à la défense d’Israël. Nous avons commis un impardonnable péché arrogance ». C’est un vétéran de l’armée qui parle. Et dénonce une absence totale de préparation, d’organisation, une faute militaire due à l’incurie politique.  L’aveuglément du gouvernement, du Shin Beit, le service de renseignement intérieur, et des services de renseignements militaires. S’il est totalement avéré, car certains affirment aujourd’hui que des alertes ont bien été transmises au plus haut niveau de l’état, mais que Benjamin Netanyahu, informé lui-même, aurait ignoré.

C’est un des facteurs multiples, pouvant permettre de tenter d’expliquer comment les combattants du Hamas ont pu ainsi agir, en toute impunité, sans aucune pitié, avec une sauvagerie absolue, et organiser une offensive sanglante globale « air-terre-mer », dont les stratèges israéliens estimaient qu’elle était impossible, impensable.

 « Comment peut-on imaginer cela tempête un officier de réserve ? Nos politiques ont eu la faiblesse de croire en l’inviolabilité supposée de notre sol. Nous étions censés, avec notre technologie, nos indicateurs, nos drones qui surveillent en permanence Gaza, tout savoir d’éventuels mouvements de l’ennemi, et le mur de sécurité, avec ses couches de barbelés électrifiés, de béton, de fosses, ses capteurs d’alerte, ses caméras, devant signaler toute tentative d’intrusion, en moins de 2 minutes, ses systèmes automatiques de détection et de tir, devaient nous garantir l’invulnérabilité. Tout cela, le concept d’une défense supposée insurmontable sur le « front Sud » a volé en éclats en quelques heures. Les terroristes ont tout neutralisé, sachant où frapper, et le comble, c’est qu’ils ont réussi à s’infiltrer même via le point de passage d’Erez, qui est censé être une forteresse imprenable s’étendant sur plusieurs kilomètres de large » Toutes celles et ceux qui sont passé par ce complexe immense, bétonné, blindé, surveillé jour et nuit, n’en reviennent pas.

La question est d’autant plus prégnante, que des témoins, dont des militaires, avaient entendu quelques jours avant l’offensive, des tirs incessants, avec toutes sortes d’armes, venant de terrains vagues, proches de la frontière. De fait, il s’agissait des derniers entrainements du Hamas avant le lancement de l’offensive. Nul n’en a tenu compte.

Après avoir brisé, sans grande difficulté, l’ultra-sophistiqué système de défenses israéliennes, alors que les missiles pleuvaient sur Tel-Aviv et même jusqu’à Jérusalem, comme pour créer une diversion, les combattants du Hamas ont franchi par milliers, au sol, au travers de brèches béantes, la clôture de sécurité. D’autres l’ont contourné en la survolant grâce à des ULM, ou des parapentes. « Ensuite indique sous couvert d’anonymat, un militaire appartenant au commandement du « front Sud », les villes, comme Sdérot, Ahskelon, les kibboutz et moshav (communautés agricoles et villages), situés dans des zones isolées et d’ordinaire paisibles, et une rave-party réunissant des centaines de jeunes sont devenues des proies faciles, de véritables territoires d’une chasse et d’un « jeu de massacres » terrifiant où toutes les horreurs ont été permises. Les quelques avant-postes militaires ont ont été submergés et réduits à néant ». 

Sans rencontrer de vraie résistance, autre celle que de quelques civils courageux, tentant de défendre l’arme au poing leurs familles, les hommes du Hamas ( sans doute 5000 selon les dernières estimations) se sont donc déchainés, tirant à vue, sur tout et tout le monde, tuant des centaines de civils. Dans Sdérot, Ashkelon, dans certains Kibboutz, les commandos islamistes faisaient du « house to house », passaient de maison en maison, pour violer, tuer, bruler vif, éventrer et décapiter jusqu’à des enfants… 

Par-delà ces massacres ignobles, il y a eu les kidnappings. Environ 150 personnes, femmes, hommes, enfants, vieillards, civils pour l’essentiel mais militaires aussi ont été ramenés à Gaza, où ils sont désormais otages. Parmi eux des citoyens américains et allemands, et français, de tous âges. Rien, ni personne, n’a stoppé leur transfert dans l’enclave palestinienne. Sur certaines images, on peut voir des tracteurs, tirant des remorques ou sont entassés des otages, parfois blessés, s’en retournant sans rencontrer aucun obstacle, à une allure d’escargot, vers Gaza.

« Ou étions-nous alors ? où étaient nos soldats ? nos forces spéciales ? alors que le Hamas massacrait à la chaine » se demande un réserviste en colère. Comment se peut-il que nous, qui avons une énorme capacité de projection de troupes, n’ayons immédiatement héliportés nos hommes pour prendre l’ennemi en étau ? Pourquoi n’avons-nous pas envoyés d’avions de chasse ? Comment est-il possible, qu’au pire nous n’ayons pu bloquer le retour de terroristes avec leurs otages, à Gaza ? »

Toutes ces questions, sans réponses pour l’heure, amènent à la mise en cause directe du gouvernement de Benjamin Netanyahu. Un gouvernement fait d’une coalition de bric et de broc, et à la merci des des partis d’ultra-droite et de ses ministres, lesquels n’ont cessé de dicter leurs volontés au 1er ministre. Ce dernier avait par ailleurs ses priorités, son agenda personnel. Depuis son élection en janvier dernier, il ne visait qu’à assurer sa propre sécurité, face aux poursuites judiciaires engagées contre lui pour corruption, fraude et abus de confiance. Cela a provoqué une crise nationale, Des centaines de milliers d’israéliens sont descendus dans la rue pour s’opposer au 1er ministre, décidé à passer en force, et imposer, coute que coute une réforme du système judiciaire, plaçant l’exécutif au-delà de la Cour Suprême. Cela lui aurait assuré une immunité totale. Impensable pour une majorité d’israéliens, toutes tendances confondues, qui sont descendus dans la rue, ont déclenché des mouvements de grève massifs, pour défendre la démocratie. Parmi eux, de nombreux réservistes, notamment des pilotes de chasse, considérant que cette réforme était une menace absolue pour la démocratie et qu’ils refuseraient de servir si elle passait. Ironie du sort : Le ministre de la Défense, Yoav Galant, membre du Likoud, s’était joint au mouvement. Et Benjamin Netanyahu l’avait chassé du gouvernement, avant que d’être contraint de faire marche arrière, de mettre en pause sa réforme, et de réintégrer Galant à son poste. 

Cette crise a eu des effets notoires sur l’appareil militaire israélien, l’affaiblissant et le désorganisant, d’autant que les réservistes tiennent une place essentielle dans le système de défense israélien. Si tous ont « rempilé » après l’horreur indicible de l’attaque du Hamas, l’heure des comptes viendra un jour promet l’un d’eux, la rage au cœur. Une autre donne a joué un rôle majeur : la colonisation à marche forcée, et la création de nouvelles implantations voulues coute que coute par les ministres extrémistes du gouvernement, lesquels en réclamaient toujours plus en Cisjordanie, certains allant jusqu’à demander l’annexion totale de ces territoires. L’ancien patron de la CIA, John Brennan le confirme : « Nos experts voyaient que cette volonté allait mener à une explosion ».

La situation devenant critique, et très tendue, l’état-major de Tsahal a obéi aux ordres et a dû concentrer ses troupes en Cisjordanie. C’est là que l’état-major craignait des troubles à l’occasions des dernières fêtes religieuses, et c’est là que pour les prévenir, au cas où, des renforts ont été envoyés. Au moins 20 000 hommes d’y trouvaient. Un choix tragique. La focalisation extrême sur la Cisjordanie, a mécaniquement conduit à dégarnir et négliger le front de Gaza…

« Netanyahu et sa clique aurait déjà dû démissionner, il est la honte d’Israël » lance, entre larmes et rage, une mère dont le fils a disparu depuis l’attaque du Hamas. Selon un éditorialiste du quotidien Yedioth Ahronoth, la catastrophe meurtrière, est la résultante « des priorités honteuses et perverses », établies par Netanyahu et son gouvernement d’ultras, qui ont oublié que la sécurité d’Israël devait passer avant tout. «  Il n’est nul besoin d’être un grand stratège, pour le comprendre, et réaliser à quel point le risque et la menace du Hamas, ont pu être négligés. Et sous-estimés, même, par les services de Renseignement militaires, qui dans leurs dernières analyses, considéraient que le mouvement ne voulait pas d’un nouvel affrontement » … 

D’autres, experts ou simples citoyens s’indignent : Comment Netanyahu et ses sbires, peuvent-ils encore être au pouvoir ? Comment pouvons-nous leur faire confiance pour l’avenir ?  Et avoir foi en ceux qui ont privilégié leurs intérêts personnels, au détriment d’une priorité sacrée : la sécurité des citoyens de ce pays ? »  

Dernière information avivant cette colère : Plusieurs heures avant l’offensive selon une source très bien informée, des mouvements importants de troupes du Hamas, et de matériel ont été décelés à la frontière de Gaza. Mais sans que cela ne soit considéré comme une menace réelle. « Par omission, mauvaise analyse, où péché d’orgueil » lâche cette source. 

« Là encore, le mythe de l’invincibilité du mur et de la clôture de sécurité, était encore présent ». dit un expert militaire du journal « Haaretz ». C’est dans les colonnes de ce même journal que dès 2018, le colonel Yossi Langotsy, vétéran des services de renseignements militaires, lançait un avertissement limpide en estimant qu’Israël bâtissait une vaste « ligne Maginot », qui serait fatalement prise en défaut, un jour ou un autre. « Nous vivions dans une réalité imaginaire » dit un autre. « Les terroristes du Hamas nous ont réveillé, cruellement, sauvagement. Et personne ne peut prédire ce qui va se passer ».

L’armée promet une réplique d’une ampleur inédite et l’anéantissement du Hamas. Mais comment ? et à quel prix ? Les otages vont-ils être sacrifiés sur l’autel de la vengeance ? Une hasardeuse opération terrestre va-t-elle être lancée ? Quant a la promesse de couper toutes les têtes d’une organisation qui a construit un labyrinthe de tunnels secrets, et de caches, laisse songeur. Cela fait déjà plus de 20 ans, que Tsahal essaie d’éliminer le chef de la branche militaire du Hamas, sans succès. Mohamed Deïf, le stratège de l’opération inédite lancée samedi, a échappé é pas moins de 6 tentatives d’assassinat ciblé, dont l’une a couté la vie à sa femme et sa fille. Mais celui que l’on surnomme « le chat au neuf vies » reste insaisissable.  

 Israël vit un traumatisme national sans précédent. Les matamores du gouvernement font profil bas derrière Netanyahu, qui a endossé une fois encore la tenue du chef de guerre. Les dissensions semblent être mise de coté, tant l’horreur subie dépasse l’entendement, et soude civils et soldats. Mais pour combien de temps ? , car nul ne sait comment ceux qui ont « permis » par leur suffisance ou leurs insuffisances, aux pires ennemis de l’état hébreu de semer une terreur inouïe, vont comme le sous-tendent leurs déclarations à l’emporte-pièces, gagner, et à quel prix, une guerre qui débute à peine, dans les pires conditions et pourrait embraser la région toute entière.

Frédéric HELBERT

 


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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