Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Medhi Nemmouche, tueur du Musée Juif de Bruxelles arrêté en France

Publié le 01/06/2014 à 23h57 | , , , , , , , ,  | 1 commentaire

 Le tueur du  Musée Juif de Bruxelles arrêté.  Un français embrigadé en prison, passé par et le Jihad Syrien. qui s’apprêtait sans doute à frapper dans l’hexagone. 

Si le français Medhi Nemmouche reste muet en garde à vue quant aux faits qui lui sont imputés, les experts n’ont guère de doute. « Officiellement, c’est un tueur présumé, un suspect » dit un homme de la Direction du renseignement intérieur, mais les éléments qui ont été saisis sont confondants et l’accusent avant même une analyse poussée »Un revolver 38 spécial, et une Kalashnikov à crosse rétractable  ( du même type que les deux armes utilisés à Bruxelles), des munitions en quantité, (un stock de cartouches calibre 7,62) dans un sac, mais aussi une casquette comme celle que portait le tueur, une veste, une paire de lunettes de soleil, une caméra embarquée go-pro (fixée au sac que le tueur avait avec lui et qui devait servir à filmer la tuerie), mais n’a pas fonctionné. Une cagoule, et un appareil photo Nikon contenant  un fichier « caché »s’apparentant fort à une revendication explicite. Le fichier dévoile une vidéo, où le tueur ne ne se montre pas, mais fait voir ses armes. Et dit à quoi elles ont servi. Il explique aussi que sa caméra miniature qui devait filmer « l’action » n’a pas marché. Par ailleurs les policiers ont saisi un « drap blanc » dans lequel était « enveloppée la Kalashnikov, sur lesquels étaient inscrits manuellement les insignes de « Daesh », l’acronyme de l’EILL (Etat islamique pour l’Irak ou le Levant, organisation islamiste la plus redoutable qui recrute en nombre les moudjahdins étrangers pour mener sa guerre en Syrie. Là même où Medhi Nemmouche a fait son « Jihad » pendant un an avant de revenir en Europe. Les visas sur son passeport, permettent de dresser une véritable carte de « spots » islamistes mondiaux.

Si le suspect ne lâche rien, les éléments à charge sont là. Entre les mains des services de police technique et scientifique, ils vont « clouter » les très fortes présomptions de culpabilité. Car les armes, elles, parlent toujours.

Une arrestation fortuite

Le Président de la République François Hollande s’est félicité publiquement de l’arrestation de l’homme. Elle n’est pourtant que le fruit d’un heureux hasard. Et ne doit rien à l’activité des services spécialisés. Ce sont des douaniers qui ont mis la main sur Nemmouche dans un car à Marseille, alors qu’ils effectuaient un contrôle anti-drogue.  Que ce serait-il passé si ce contrôle n’avait eu lieu? « Selon toutes vraisemblances, Nemmouche, qui ne s’était pas débarrassé de ses armes après l’attentat de Bruxelles, revenait en France avec tout son arsenal, pas pour y faire du tourisme, mais certainement pour frapper à nouveau »  dit un des hommes du staff anti-terroriste français. Il faut plus s’inquiéter que se réjouir, car des Nemmouche, il y en aura d’autres. C’est inéluctable. On assiste actuellement à une véritable fuite en avant. La contagion prend de l’ampleur. Les candidats au Jihad en Syrie sont de plus en plus nombreux chaque jour. Au départ, c’était une entreprise artisanale, aujourd’hui, de véritables filières ont été mises sur pied pour permettre à des groupes entiers de gagner la Syrie pour aller faire le Jihad. On essaie de taper en amont, pour empêcher les départs, on le fait même désormais systématiquement quand on « loge » des candidats au départ, mais combien passent à travers les mailles du filet? Il n’est rien de plus simple que de prendre un billet pour la Turquie et de franchir la frontière. Les candidats sont de plus en plus jeunes. Parfois encore adolescents. Des jeunes femmes font partie du lot et certains partent même en famille! Il n’est aucune lueur d’horizon quand à une paix éventuelle en Syrie. De la-bas, les combattants étrangers postent des vidéos, passent parfois des coups de fils à leur potes, leur « frères », les invitant à les rejoindre. En quelques heures vous pouvez sans encombres quitter n’importe quelle ville d’Europe et vous retrouver pris en main par les jihadistes sur le sol syrien. Et vous pouvez si vous réchappez de la guerre terrible qui se déroule en Syrie, revenir et importer le Jihad en Europe sous une forme où une autre. Nemmouche l’a fait sous la pire des formes, et s’apprêtait certainement à récidiver.  Il a été fortuitement mis hors d’état de nuire mais le casse-tête infernal demeure pour les services ».

Le tueur de Bruxelles aurait-il pu être neutralisé auparavant?

La question est brulante mais mérite d’être posée. Ce qui est particulièrement inquiétant dans le « cas Nemmouche », c’est que l’homme était tout sauf un inconnu pour les services anti-terroristes. « Nous n’avons pas affaire en l’espèce dit un magistrat spécialisé  à un homme dont il eut été impossible de déceler la dangerosité en amont, qui serait, en trois clics sur Internet où quelques coups de fils avec des « frères » déjà embrigadés, devenu soudain un jihadiste. Non, Nemmoucche ne s’est pas « improvisé » combattant islamiste sur le sol syrien, puis terroriste sur le sol européen. Il aurait du rester dans les écrans-radars. Parce que son passé, connu, en a fait depuis longtemps, quelqu’un qui  n’aurait pas du être libre de tout mouvement. Mais dès sa sortie de prison, alors que l’on sait son embrigadement, il n’est soumis à aucun contrôle judiciaire. Il donne une adresse familiale et  disparait. Y-a-t-il eu une faute? Pouvait-on faire autrement? On se doit de se poser la question pour ajuster le dispositif ».

La radicalisation en Prison. Le Jihad en Syrie. Le retour en Europe en tueur implacable.

Car la radicalisation de Medhi Nemmouche ne date pas d’hier. Né il y a 29 ans à Roubaix, (terre particulièrement fertile en matière de contagion islamiste déjà depuis la guerre de Bosnie). Nemmouche y a d’abord « fait ses classes » dans le gangstérisme,  les vols puis les attaques à main armée. Qui lui ont valu sept condamnations judiciaires. Et cinq incarcérations.  Notamment à Lille, mais aussi à Toulon dans le Sud de la France. C’est là que le braqueur a dérivé vers l’islamisme. En Prison. Un cas loin d’être isolé, tant la contagion islamiste n’a jamais cessé de prendre de l’ampleur en milieu carcéral. Le phénomène est connu, archi-connu. L’Islam est la première religion de France dans les établissements pénitentiaires. (Statistique hors toute polémique). Mais l’état n’a jamais su s’adapter. Et ne le sait toujours pas. Il y a 10 fois plus d’aumôniers chrétiens habilités par l’administration pénitentiaire que d’Imams. Résultat, ceux qui se tournent vers la religion en prison sont pris en main par des iman auto-proclamés, des jihadistes condamnés, qui propagent l’islamisme sans retenue.De l’aveu même de certains experts, des imams radicaux, commettent volontairement un délit, pour se faire emprisonner, et recruter en prison. Le prosélytisme  pro « Jihad » (au sens dévoyé du terme), est un fléau qui gagne sans cesse du terrain. C’est l’Islam des caves et des mosquées clandestines qui est maitre en Prison. De  Khaled Kelkal, délinquant de petite envergure, devenu après conversion  à l’islamisme radical un tueur (sa première cible fut un imam parisien prônant la paix et la réconciliation)  et poseur de bombes redoutable au service du GIA dans les années 90 au réseau Safé Bourrada,  qui s’était entièrement constitué en prison, en recrutant braqueurs, violeurs, voyous multi-rédivistes, et fut « cassé » avant qu’il puisse lancer dans une campagne d’attentats prévue, les exemples en tout genre ne manquent pas.  Nemmouche était dans cette catégorie. Et il fut repéré  comme tel. et « catalogué » comme un leader en la matière. Les signalements quant à son prosélytisme virulent, ses appels à la prière en pleine promenade se sont multipliés. L’alerte a été lancée dès 2009 le concernant. Pourtant lorsqu’il sort de détention en 2012, il n’est soumis à aucun contrôle judiciaire. Il est néanmoins  surveillé… Mais pas neutralisé pour autant. Il part alors sans aucun obstacle en Syrie. Information qui remonte à la Direction Générale du Renseignement Intérieur.  A partir de là, il disparait des écrans-radars. est inscrit au fichier des personnes recherchées mais va demeurer introuvable jusqu’à son arrestation fortuite.

Jihadistes français en Syrie: Les 3 catégories

« C’est là que tout se joue » explique un expert de terrain. Car désormais un « catalogue » de trois catégories distinctes de jihadistes étrangers et notamment français partis en Syrie a été clairement établie. « Il y a  ceux qui s’en vont sans aucune intention de revenir, et qui sont décidés à lutter jusqu’à la mort, pour établir un « califat islamiste. Ce sont ceux-là qui postent des vidéos que l’on retrouve sur You tube, où ils appellent à visage découvert parfois, tous les « frères » à faire la Hijra et le Djihad. Il y a ceux qui sont partis, ont fait leur expérience, en sont revenus,  heureux d’êtres vivants, et sont rangés des voitures. Memmouche lui appartenait à la dernière catégorie, la plus redoutée et redoutable, celle des hommes qui ont fait leur « Jihad » en Syrie, et un jour reviennent, sur ordre où non, avec pour mission qu’on leur a assigné, où qu’ils se sont assignés eux mêmes: Celle de prolonger  le Jihad en territoire  européen.  Pour ceux-la les ennemis sont partout, et les cibles infinies. Les « Kuffar », les  « mécréants », les « apostats » contre tous les ennemis du « Jihad », qu’ils soient chrétiens, juifs, où musulmans ».

Le tueur du Musée de Bruxelles était donc de ceux-là. En prenant d’infinies précautions, ill est revenu en Europe.  « Il y a trouvé les complicités pour préparer et commettre l’attentat indique un agent français. Il fallait de l’argent, il en a eu, il fallait faire des repérages, ils ont été faits, il fallait une structure à minima, une filière, pour protéger sa fuite, lui fournir une cache, avant qu’il ne décide à « repartir au combat », elle était là ».  

Une nouvelle étape a donc été franchie. le premier attentat venu d’un combattant parti faire le Jihad en Syrie a été commis. Et tout indique que c’est un français qui l’a commis. « Il a été arrêté? Oui, et évidement on ne peut que s’en réjouir dit un haut responsable policier spécialisé,  mais il a été arrêté par des douaniers et par hasard.  Le plus inquiétant dans l’histoire, est que Memmouche visiblement n’avait peur de rien,  qu’il a démontré à quel point les frontières étaient poreuses, puisqu’il les a franchies avec tout son arsenal, voyageant tranquillement dans un bus, et très certainement parfaitement déterminé, à frapper à nouveau, avec les mêmes armes ayant servi en Belgique, une frappe sans doute, à l’image de celle de Bruxelles, calquée sur le mode utilisé par Mohamed Mare et visant des cibles sur le sol français.  Une nouvelle tragédie a certainement été évitée, mais il ne faut pas se voiler la face. On va faire tout ce qu’on peut, avec les moyens dont on dispose,  mais je crains que. le pire soit devant nous »

Frédéric Helbert

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  1. madiba dit :

    Moi qui côtoie les musulmans tous les jours et prône la communication, la tolérance, dur d’imaginer cette diabolisation du monde occidental. Je vois bien les dérives, et je vois bien moi aussi l’absence de réaction de nos supérieurs en cas de dérive, je vois une mentalité qui se victimise systématiquement, un manque de remise en question, une mauvaise foi terrible, une attaque sur les filles même musulmanes qui glace, paralyse et devant laquelle personne ne réagit : je trouve que quelque soit l’origine des gens qui se comportent ainsi, il est de rigueur de réagir, et que ne pas réagir, c’est donner raison à ces jeunes en leur ouvrant une porte vers le fanatisme. Ils doivent être abreuvés à outrance de tout cela chez eux, à nous de rester justes, et de montrer un autre son de cloche…. ce que nous ne faisons pas : je suis d’accord, on minimise le pb de la dérive morale, et je ne suis pas étonnée que cela mène à fabriquer des gars comme Nemmouche.


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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