Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Denis ALLEX, le plus ancien otage français. Un « casse-tête » pour la DGSE. Enquête, révélations.

Publié le 04/08/2012 à 04h00 | , ,  | Écrire un commentaire

Denis Allex (un pseudo) vivait sa vie d’agent secret dans l’ombre. Depuis sa captivité il vit sa détention dans l’ombre. Détention interminable dans une Somalie en guerre livrée aux shebabs, clans et factions, groupes islamiques armés, et soutiens d’un pouvoir central miné par des divergences permanentes. Cet homme est le plus ancien des 7 otages français détenus à l’étranger. Mise à jour 27 aout: En termes de durée, seule Ingrid Betancourt a été détenue plus longtemps (+6ans!). Denis Allex aura dépassé demain le temps de détention des otages français du Liban,  Marcel carton, Marcel Fontaine, et le journaliste Jean-Paul Kauffman libérés en 1988 après plus de 3 ans de détention.

L’enlèvement

C’est dans ce pays de misère et de chaos, ou l’on peut risquer sa vie à chaque coin de rue que Denis Allex, agent du SA (service Action) de la DGSE, a été enlevé  par la milice  » al Chabaab  » il y a plus de trois ans maintenant. C’était le 14 juillet 2009 dans un hôtel de Mogadiscio. Officiellement Denis Alllex menait avec un autre agent une mission  » d’assistance » au gouvernement somalien. « Un gouvernement tellement poreux, et corrompu qu’il est possible que l’un de ses membres ait vendu la mèche à la milice venue cueillir des proies de choix.

Denis Allex et ses ravisseurs (capture vidéo)

Son compagnon Marc Aubrière, (autre pseudo) réussissait lui quelques semaines plus tard à s’évader dans des conditions rocambolesques alors que ses ravisseurs dormaient. Il avait réussi à se confectionner avec des bouts de tissus des chaussures de fortunes pour marcher silencieusement. Marc Aubrières a eu beaucoup de chance. Parti d’abord dans une mauvaise direction, dans la nuit noire, il a essuyé des tirs sans être touché, avant de marcher des heures, et de finir par être récupéré « du bon coté ». C’est en tous les cas la version officielle qui me fut confirmée par Hervé Morin lui-même, alors Ministre de la Défense. Marc Aubrières, pour « casser » les rumeurs faisant état de violences sur ses geôliers du « hezb el Islam » avait parlé à visage découvert, et affirmé que son évasion s’était déroulé sans aucune violences, et qu’auparavant il avait été très bien traité.  » Une déclaration indispensable pour éviter que Denis Allex, détenu par un autre groupe ne fasse l’objet de représailles.

L’épouse de Denis Allex ignorait qu’il travaillait pour la DGSE

Selon une source politique de haut-niveau, l’affaire avait été particulièrement sensible au moment de la révélation de l’identité des agents enlevés. La femme de Denis Allex, toujours détenu, ignorait alors tout, absolument tout des véritables activités, du véritable métier de son mari. Ce fut un double choc, terrible pour elle, d’apprendre en même temps qu’il était un agent de la DGSE et qu’il avait été enlevé!

Récemment sur « Europe1 », s’exprimant pour la première fois, cette femme courageuse, envoyait comme une bouteille à la mer un message à Denis Allex, affirmant que tout allait pour le mieux, qu’elle ne le lâchait pas, que personne ne le lâchait…

La DGSE, qui gère plusieurs cellules différentes, affectées au traitement des dossiers des différents otages français retenus dans le monde, sait que la situation de son agent emprisonné est des plus complexes. L’essentiel depuis le début des négociations a d’abord été d’obtenir des preuves dévie régulières. Indispensables dans un pays ou la guerre permanente peut tout faire basculer à chaque instant.

Une fois raconte un diplomate, nous avons fait parvenir un message en demandant quelle était la marque de la voiture de la famille… Puis la couleur… Les bonnes réponses sont revenues. Elles ne pouvaient venir que de l’otage vivant.

Denis Allex est apparu une autre fois sur une vidéo, visage émacié, mangé par une barbe, vêtu d’une tenue orange, entouré d’hommes armés, lisant les revendications de ses ravisseurs.

Des négociations sans fin

Là est le problème confie un membre de la cellule de crise du Quai d’Orsay: Les ravisseurs ont des exigences exorbitantes et qui changent sans cesse. Ils réclament tour à tour, l’arrêt de toute aide au gouvernement central, le retrait de toutes forces ou compagnies de sécurité de Somalie, ou du Burundi! Ou encore celui de la force navale qui protège de prises d’otages maritimes, des bâtiments  croisant dans les eaux somaliennes… Et également la libération de shebabs, arrêtés lors d’opération anti-piraterie, transférés et détenus depuis dans des prisons françaises.

Les services français ont envoyé plusieurs émissaires, chargés de ramener  à la raison  » les ravisseurs. des émissaires locaux, des hommes d’influence, des habitants d’un pays riverainsde la somalie, qui sont allés selon la formule « prendre le thé »  et discuter à Mogadiscio. Mais la DGSE n’a jamais traité directement ou envoyé d’hommes au contact. Malheureusement les exigences n’ont cessé de changer. Les ravisseurs n’étant pas d’accord entre eux…

Alors, la France, qui ne paie jamais de rançon officiellement, a parlé argent via ses émissaires particuliers, et ses soutiens dans la région, capables de mettre la main à la poche.  » Mais le problème est insoluble en l’état dit un diplomate. Quand on n’arrive pas à se mettre d’accord sur des revendications politiques, on finit toujours par parler argent, et trouver un terrain d’entente. Reste une donne qui est un handicap à l’heure actuelle insurmontable. Les interlocuteurs chez les ravisseurs changent. Entre ces ravisseurs, personne n’est capable de fournir une garantie. Nous ne savons pas à qui donner, en étant sur, que la libération de notre otage suivra dit un proche de la négociation. En Afghanistan, c’était clair! Les ravisseurs étaient organisés, ordonnés, on savait avec qui on discutait. C’était compliqué mais quand on est arrivé à un deal final, après l’échange de plusieurs garanties réciproques, on y est arrivé. Là pardonnez-moi, mais c’est un « bordel » sans nom. On y arrive pas! Impossible de savoir à qui vraiment pouvoir faire confiance « .

A un moment, l’otage a été localisé, comme cela a été le cas parfois en Afghanistan, au Mali, en Irak, au Liban… mais impossible d’intervenir militairement dans un contexte  pareil. Une opération serait trop dangereuse, pour l’otage d’abord, et pour les hommes des forces spéciales qui seraient engagées.

Alors, il faut continuer à négocier, négocier encore, jusqu’à la finalisation d’un deal qui tienne. La DGSE le sait. Dans cette grande maison secrète, (quoiqu’en pensent les médias, ou les comités de soutiens qui polluent les négos et font monter les enchères), dans les affaires d’otages, la formule de l’épouse de Denis Allex peut servir de devise:

– On ne lâche jamais rien.

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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