Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


frappe US en Syrie: Les secrets de la décision de l’imprévisible Donald Trump

Publié le 07/04/2017 à 23h31 | , , , , , ,  | Écrire un commentaire

tomahawk

Donald Trump a trompé tout son monde. Qui aurait pu prévoir que l’homme qui promettait le désengagement américain, la fin du rôle des USA comme premier gendarme du monde, et ne tarissait pas d’éloge sur l’action de Vladimir Poutine, puisse déclencher aussi soudainement une frappe de missiles Tomahawk en Syrie?

La semaine dernière encore, l’administration US affirmait carrément que le départ de Bachar-el-Assad n’était pas une priorité. Et si l’on se réfère aux positions passées affichées et réitérées par le président américain, il n’a eu de cesse de fustiger Barack Obama, ou Hillary Clinton, estimant qu’il serait fou de mener une offensive quelconque, fusse t-elle limitée, en Syrie. Une offensive risquant  d’allumer la mèche d’une troisième guerre mondiale.

Seulement voila,  l’attaque chimique ayant visé les environs d’idleb a bouleversé la donne. Mais d’une manière qui laisse circonspect bon nombre d’observateurs de la scène internationale. Dans l’entourage de Donald Trump, plusieurs sont ceux qui confient que ce sont les images des enfants touchés par l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, qui semblent avoir littéralement bouleversé le président US, au point qu’il en a fait une fixation. Il n’est qu’à se référer au langage inusuel du président US, fustigeant publiquement, ceux qui avaient causé la mort notamment  de  « beautiful liitle babies » (beaux petits bébés ».

beautiful babies

« Depuis l’attaque explique un journaliste accrédité à la Maison Blanche, Trump a semblé réagir de manière « tripale » comme s’il était submergé par l’émotion. Une émotion emportant tout sur son passage, y compris tous les arguments qui avaient fondé sa doctrine de non-intervention. Il y avait là quelque chose d’inquiétant, car on ne peut pas diriger les Etats-Unis, et effectuer un virage à 180°, guidé par une émotion, si légitime puisse-t-elle être. Et ce d’autant que depuis 6 ans, avec toutes sortes d’armes, conventionnelles où non, le régime de Bachar et ses alliés en ont tué des dizaines de milliers de « beautiful babies » sans que cela ne fasse bouger personne! Trump lui même en 2013, après l’attaque chimique de la Goutta, des centaines de vidéos et photos du même genre avaient été diffusées! Trump avait pu les voir comme tout le monde, mais cela ne l’avait pas ému alors! Il avait même violemment pris position contre toute éventuelle intervention américaine ».

« Il y a la de quoi s’interroger sur la psychologie d’un homme aussi imprévisible et changeant qu’est Donald Trump » dit un expert-psychiatre. A moins, que cela ait été une émotion feinte? Où qu’elle se soit mêlé à l’opportunité de faire un « coup » pour enfin se sortir de l’image d’un président looser, ne parvenant à imposer ses vues, et à rallier à son « panache blond » l’establishment politique »… 

Emotion sincère ou feinte? Cynisme absolu? Les deux mélangés? la question est posée pour un ancien responsable du département d’état ayant quitté volontairement ses fonctions il y a un mois. Car à y regarder de près explique l’homme qui préfère garder l’anonymat, la frappe US se veut une riposte. Même si le ton monte entre Washington et Moscou, personne n’imagine une suite qui amendait à un conflit ouvert. De fait, la frappe a été sans effet réel sur le rapport de forces en Syrie.  D’ailleurs le régime de Bachar, ses alliés et ses affidés poursuivent  actuellement leurs offensives contre les zones rebelles. Le coup de semonce n’a rien changé. Et l’idée que cela puisse enclencher un processus diplomatique qui aboutirait à une solution dans ce conflit sans fin apparait comme bien illusoire.

En revanche, à coups de missiles tomahawks, 59 à 800 0000 dollars pièces tempête un élu démocrate, Donald Trump s’est enfin offert aux yeux d’un certain nombre des républicains et d’une partie du peuple américain, l’image d’un vrai comandant en chef, d’un président capable de décisions sensibles, s’imposant comme un leader incontestable, quand bien même la décision de frapper en Syrie est contraire à tous les engagements qu’il avait pris. « C’est en tout les cas ce sur qui il parie, dit un familier de la Maison Blanche, quitte à dérouter quelque peu son « fan-club » traditionnel. Où à passer pour d’autres pour un homme totalement imprévisible et dangereux.

Nombre de politiques américains, toute tendances confondues;  et d’observateurs prétendument avertis se félicitent de la décision prise, estimant que la « punition » était méritée, qu’elle replace les USA au centre de l’échiquier mondial. Et qu’un message fort a été envoyé aussi bien à Bachar qu’à Poutine. Cela reste à démontrer tempête un responsable onusien qui délivre une interprétation dudit message, interprétation partagée par bon nombre d’autres… Le message en fait dit-il est le suivant: « En Syrie, la guerre peut continuer, en Syrie les factions diverses peuvent continuer à s’entretuer, en Syrie, Bachar peut continuer à massacrer son peuple, dès lors que les armes chimiques sont laissées de coté!… La preuve? La bataille d’Idleb a commencé depuis longtemps. C’est la dernière étape de reconquête de « la Syrie utile » après le « carpet bombing » russe sur Alep et elle continuera à coups de missiles, bombes barils et autres saloperies qui visent tant les factions armées que les civils, « beaux bébés » compris! » 

Cela, le docteur Ghazi Aswad, médecin franco-syrien, qui avec son confrère libanais avait diagnostiqué les premiers cas de « victimes chimiques » (cf reportage Paris-match et documentaire Syrie, l’arme chimique pour ARTE que l’on peut retrouver sur ce site) dès 2012 le savent. Dès 2012, ils avaient crié dans le désert, avant de comprendre que la fameuse « ligne rouge » n’était qu’une posture, où plutôt une imposture. « Elle a été franchi 10 fois, 20 fois, cent fois » rappelait le docteur Aswad, lors d’une « incursion » commune que nous avions mené en Syrie. Face à la situation désastreuse de milliers de civils, de centaine de blessés, sans soins, sans médicaments, sans aucune aide médicale, Ghazi Aswad avait dit son amertume et sa colère. « La ligne rouge, c’est du pipo » avait t-il tranché devant un jeune révolutionnaire, ancien ouvrier carreleur à l’agonie.

aswad

Aujourd’hui, rien n’a changé. Les USA bombent le torse mais on imagine mal comment ils pourraient aller plus loin. Les russes ont promis qu’ils répliqueraient désormais si  d’aventures de nouveaux raids étaient lancés. Donald Trump a réussi à redorer son prestige personnel, mais à quel prix?  il n’est pas le moindre début de solution du conflit syrien n’apparait à l’horizon.  Un opposant syrien accablé lâche: « Il y aura encore un nombre indéfini d’hommes, de femmes, d’enfants, et de « beaux petits bébés » qui vont mourir. Et la communauté internationale, Etats-unis en tête,  ne mettra pas fin à la guerre, mais elle gardera la médaille du déshonneur et de la honte ».

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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