Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Guerre MACRON vs de VILLIERS. Les coulisses d’une crise inédite. Témoignages

Publié le 20/07/2017 à 04h10 | , , , , , , , , , ,  | 1 commentaire

game-over

Entre E. Macron et le général de Villiers, de la lune de miel au divorce.

Au début, c’est comme un film rose. Emmanuel Macron dès son arrivée au pouvoir confirme le général Pierre de Villiers dans ses fonctions de chef d’Etat-major des Armées. En privé, il ne tarit pas d’éloge sur un militaire au parcours impeccable. Un homme capable de « gérer » l’engagement des forces armées sur tous les fronts (Afrique, Syrie, Irak, Sentinelle). Déjà pourtant la troupe grogne. Au Sahel, l’armée française semble s’enliser dans une guerre sans fin. Dans l’hexagone, le poids de l’opération Sentinelle, à l’utilité plus que limitée, voire nulle opérationnellement, pèse. Notamment dans le budget : un Million d’euros par jour.

Mais Macron s’entiche très vite de la chose militaire. Sa remontée des « champs-Elysées », « le petit Napoléon » comme le surnomme ironiquement un haut-gradé, il la fera –fait unique – dans un « command-car » militaire, tel un « rex imperator » sur son char d’apparat…

Command car

Et puis voila qu’il est très vite partout auprès des militaires. Un jour à l’hôpital Percy pour rendre hommage aux soldats blessés en opérations. Un autre au Sahel pour rencontrer les hommes engagés dans une lutte anti-jihadistes qui n’en finit pas… Et puis le voici visitant les chantiers navals de Saint-Nazaire. Et enchainant à Lorient.

Le 4 juillet, s’amuse à raconter contre-amiral, Macron a joué au petit soldat plus que jamais : Il se fait hélitreuiller à bord du sous-marin nucléaire « le Terrible ». Après une ballade en mer avec des commandos de Marine. Sur que ca fait des belles photos, et celle là fera le tour du monde. Après que le Président l’ait affiché sur son compte twitter.

le terrible

Cela fera sourire outre-manche, notamment une présentatrice de CNN, évoquant d’abord Poutine, adorant les mises en scène militaires de son personnage….

CNN

… avant de s’amuser de la cascade de tweets, parodiant la mythique réplique de l’agent 007, Bond, mon nom est James Bond ».

macron bond

«C’est vrai qu’il avait une fascination de gosse, témoigne un observateur averti, et en même temps, nous n’avons jamais été dupes. Il s’est servi des militaires pour « poser » une image de leader martial ». « On a compris dit un autre que Le calcul politique n’était jamais loin derrière les actions du chef de l’état auprès de l’armée. Mais bon, n’avait-il promis à Gao au Mai qu’il serait toujours derrière nous ? .  On en a déduit que les arbitrages financiers nous seraient favorables. Que des efforts seraient faits pour l’amélioration des matériels, de la capacité de projection de forces, des conditions de vie, de la formation, des soldes »

Un gendarme précise « Vous savez combien çà gagne un caporal ? 1600 euros environ, le double avec les primes à peu près en opérations extérieures, là ou les vies sont mises en péril ». Et puis « il y a les équipements dit un ancien de Barkhane, le 14 juillet tout est rutilant, mais vous verriez au Sahel par exemple en conditions réelles. Le matos souffre terriblement. Il est parfois en bout de courses, on met des rustines partout pour que çà tienne, ça rouille, çà prend le sable, ça fatigue, nous on pratique en permanence le système D »…

On l’aura compris. Le budget des armées est toujours un dossier sensible. Un casse-tête. « La France ne peut pas vouloir être présente partout, et peser sur l’échiquier mondial sans que la troupe ait les moyens des ambitions du politique » explique un diplomate. Or ce sont des gestionnaires qui sont aux commandes au Ministère désormais. Le Drian n’est plus là. Après le passage express de Sylvie Goulard, c’est une autre femme, Florence Parly, ayant exercé de hautes fonctions au rayon « managment » d’Air France et de la SNCF, (service-voyageurs)… qui est désormais à la tête du Ministère des Armées. « Ca ne nous a pas rassuré » confie un chef de corps. Alors tous nos espoirs, reposaient en le CEMA (chef d’état major), le général Pierre de Villers les incarnaient pleinement car il est proche des hommes ». De Viliers, l’ancien tankiste, pas le genre à courber la tête. Un militaire à poigne, au franc-parler en forme de « missile » parfois… Qui avait accepté de rempiler à la condition express que les budgets soient à la hauteur. C’était son cheval de btaille.

LA CRISE. Ou comment le torchon a brulé à la vitesse de la lumière.

« Et c’est là que tout est parti en cacahuètes » se lamente un proche de celui qui est désormais l’ex CEMA. D’abord sont arrivées les annonces alarmistes du 1er ministre sur les caisses vides. On a dressé l’oreille mais on était persuadé que le budget des armées était sanctuarisé. Jusqu’à l’annonce qu’il allait falloir aussi participer à « l’effort de guerre financier ». 850 millions d’euros de coupe de budget, sur un point ultra-sensible : Les équipements…

« Là raconte un de des proches, le général de Villiers a vu rouge. Il s’est senti trahi par Macron. Il n’était pas question pour lui « d’avaler la pilule » sans broncher ».

Le 12 juillet, lors d’un conseil de défense, il exprime son souci. Dans la foulée, il est entendu par la commission de la Défense Nationale, à l’assemblée, il se lâche : « Je vais pas me faire baiser comme çà ! Je pourrais plus regarder mes gars dans les yeux, si on réduit encore nos moyens. Le grand écart entre objectifs assignés à nos forces et moyens alloués n’est pas tenable » C’est dit, c’est dit, çà se tient. Et à l’applaudimètre, en petit comité,ça fait un tabac…

La réunion s’est déroulée à huis-clos. Ce n’était pas une déclaration publique. Le Général de Villiers n’a donc pas failli à son devoir de réserve, seulement voilà, le coup de sang du vrai boss des Armées va fuiter dans la presse ainsi qu’être rapporté directement au chef de l’Etat. La crise devient ouverte. Et comme la presse aime bien les raccourcis, tout le monde ne retient que la première partie de la phrase…

Le lendemain, le 13 juillet, Lors du traditionnel discours aux armées, Emmanuel Macron semble hors de lui. C’est le recadrage sec : « Je suis votre chef  tonne le chef de l’état ! Il n’est pas digne (sic) d’étaler certains débats sur la place publique »(…) « Je n’ai besoin de nulle pression, nul commentaire » ajoute un Macron remonté comme une pendule, sans citer le nom du CEMA.

« Mais Tout le monde a compris qui était la cible, dit un de ceux qui étaient présents. Et connaissant le général de Villiers, je me suis dit que c’était « plié ». Que le divorce était déjà consommé. J’imaginais mal un type de la trempe de du Chef d’Etat-major, rentrer dans le rang. Il n’est pas député En Marche ! ».

Le 14 juillet, devant les caméras, lors du défilé, les deux hommes tentent de faire bonne figure, mais la tension est visible, palpable. Le même jour dans son message hebdomadaire qu’il adresse à ses troupes chaque semaine sur Facebook ,« lettre à jeune engagé », le général recroise le fer, calmement mais fermement. Il évoque les mots d’un héros de la 2ème guerre mondiale, le général Delestreint, exhortant à rejeter « toute mentalité, de chien battu, d’esclave » ! Il évoque, la thématique de la confiance nécessaire…

 « Méfiez-vous de la confiance aveugle… Elle est marquée du sceau de la facilité. Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d’être suivi aveuglément. La confiance est une vertu vivante. Elle a besoin de gages. Elle doit être nourrie jour après jour faire naitre l’obéissance ctive, là où l’adhésion l’emporte sur la contrainte. » Et le général de Villiers de préciser que pour une fois, il n’annoncera pas le sujet de sa prochaine lettre…  Entre les lignes, s’esquisse la perspective de la rupture.

« La messe était dite pour lui, selon un de ses familiers. La confiance avait été trahie, et le général en avait déjà intimement tiré toutes les conséquences ».

 16 juillet dans les colonnes du JDD, Emmanuel Macron enfonce le clou de son coté : « si quelque chose oppose le chef d’état-major des Armées au Président de la République, le chef d’état-major des Armées change »…

Un rendez-vous doit réunir les 2 hommes 4 jours plus tard, pour qu’ils « s’expliquent ». Certains croient encore en un possible « rabibochage »… Pourtant l’Elysée sonde déjà et a vite fait de trouver un éventuel remplaçant.

« Sage précaution ». Il n’y aura pas de réunion, pas de discussion, pas de compromis à l’amiable… le 18 juillet, 2 jours avant l’explication de gravures, , le général pierre de Villiers dégaine le premier. Et en matière de « com » dame le pion à celui qui est pourtant un expert patenté du genre. L’AFP reçoit un communiqué où l‘on apprend que le militaire a « pris ses responsabilités’ en ayant présenté sa démission au chef de l’état qui l’a acceptée. « Dans les circonstances actuelles, explique le militaire, je ne crois plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois, pour garantir la protection de la France et des français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays » Bigre ! le pronostic est sombre ! L’affaire enflamme le pays. Des milliers d’experts militaires surgissent sur les réseaux sociaux! pour y prendre la défense du général de Villiers. Les politiques ne parlent que de cela.. Rien qui  n’empêche pour autant le président Macron d’aller suivre une étape du Tour de France, de serrer la louche à Poulidor, et situation ubuesque, de se retrouver interrogé sur la question  sur le plateau TV de vélo-Tour (France2).  Après la causerie bicyclette, Emmanuel Macron justifie sa décision, droit dans ses bottes;. Précisant que ce n’est pas au chef d’Etat-major de défendre un budget, mais que c’est le rôle du Ministre des Armées. C’est bien ce qui inquiète les militaires, qui ont peu gouté l’explication et le cadre choisi pour en faire état.

macron TDF

Pour être sur de ne plus avoir de souci, on n’est pas allé bien loin pour trouver le nouveau CEMA : Le remplaçant était chef du cabinet militaire, du 1er ministre Edouard Philippe. (Comme il fut avant celui de Manuel Valls, puis celui de Bernard Cazeneuve). Bref un habitué de la fréquentation des politiques… Ca grince chez quelques pointures des états major opérationnels (Terre, Air, Mer) mais c’est comme çà… Le général 4 étoiles Francois Lecointre, 55 ans, homme au passé prestigieux sur le terrain, et habile théoricien sera confirmé en conseil des ministres mercredi prochain.

Le nouveau CEMA, ex-chef du cabinet militaire du 1er ministre

Le nouveau CEMA, ex-chef du cabinet militaire du 1er ministre

Mais il n’est pas sur que la crise de confiance entre le grand « chef », Emmanuel Macron, et les femmes et les hommes de l’armée française, qui nourrissaient un grand respect pour de Villiers, et se demandent maintenant à quelle sauce budgétaire, ils vont être désormais mangés, soit éteinte d’ici là.  Lors de son départ effectif, le général démissionnaire recevra un hommage appuyé de ses « troupes ».  Une interminable salve d’applaudissements l’accompagnera sur son parcours jusqu’à sa voiture. Moment rare que le compte twitter de l’état major des armées relayera à travers une vidéo qui fait un carton… La classe politique elle aussi rend presque unanimement hommage au général de Villiers.

A peine nommé, le nouveau CEMA  est appelé à participer à une opération de communication. Il accompagne le président de la république, ainsi que la Ministre des Armées, pour une visite auprès des hommes de la base aérienne 125. L’occasion pour Emmanuel Macron d’assurer aux français que les choix budgétaires ne se feront jamais aux dépens de la sécurité de la Nation. Et que les missions des hommes de l’armée française ne seront pas affectées par les coupes financières. A voire…

« La crise ne peut être résolue à coups de formules présidentielles se voulant définitives.. Les interrogations, les inquiétudes persistent. L’histoire n’est pas terminée » prévient un militaire de haut-rang..

« Nous savons par ailleurs explique l’ homme de terrain, que nous aurons dans le cadre de nos opérations d’autres morts, c’est hélas inévitable, et je ne voudrais pas être à la place du président, du « chef » le jour où cela arrivera, car tout le débat, ouvert par cet épisode tumultueux, et loin d’être clos, risquera alors de ressurgir et d’éclabousser du sang versé une décision politique que les principaux concernés jugent parfaitement  injustifiable ».

Frédéric Helbert

( A titre indicatif, je précise avoir couvert bon nombre de conflits, (Golfe, Balkans,,Afrique, Proche-orient, Liban, Irak, Syrie…) ou l’armée française a été engagée dans le cadre de missions guerrières, ou d’imposition et maintien de la paix sous la bannière de l’ONU, et fait de nombreux reportages auprès des militaires français, donc je connais un peu la musique)


Recherche sur le blog

Entrez un terme à rechercher :

Suivre sur les réseaux

Suivre sur FaceBook
Suivre sur Twitter
Suivre par RSS

FHnewsTV

Voir l'article de cette vidéo »

À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

Rubriques

Tags

Archives


©2024 Fréderic HELBERT - Administré sous WordPress - Liberté Web - Mentions légales -  RSS - Haut de page