Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Israel Palestine. séisme diplomatique: Mahmoud Abbas emmène la Palestine à l’ONU!

Publié le 22/11/2012 à 23h24 | , , , , , ,  | Écrire un commentaire

L’ONU transformé en terrain de guerre par le conflit-israélo-palestinien?

Ce combat là se joue en coulisses, loin des roquettes qui se sont abattues , des bombardements lourds qui ont frappé Gaza, des  hurlements de sirènes, de ceux des victimes de quelques « camps » que ce soit (quand elle n’étaient pas d’aucun camp), des cris de guerre ou de souffrance. Mais ce combat mené par un homme politique, sans armes à feu, Mahmoud Abbas risque de provoquer un véritable  séisme diplomatique et politique touchant Israël, les territoires palestiniens, Gaza, les politiques de l’état hébreu, les islamistes, les états de la région,  et la diplomatie américaine, alliée indéfectible d’Israël, sans laquelle rien ne se fait… Un point réunit tous ces acteurs de l’éternel drame israélo-plaestinien: Tous, pour des raisons différentes, tous sont opposés farouchement à l’initiative de Mahmoud Abbas. Abbas, Président élu de l’Autorité Palestinienne, mais qui d’autorité n’en a plus que sur la Cisjordanie en l’état et encore… Un Homme autrefois considéré, voulant ignorant le culte des armes répandu dans la région, par delà les clivages. Mais auquel beaucoup attribuent l’impasse actuelle, et l’incapacité à mener en son temps une néessaire réforme du Fatah, qui était corrompu jusqu’à l’os. Mais Un homme qui avec les siens a pris sa décision, qui ne variera pas de cap, qui ira jusqu’au bout.

Le 29 novembre, Mahmoud Abbas fera rentrer par une « porte dérobée » la Palestine à l’ONU! Ou elle obtiendra sans doute le statut d’état- observateur, (et non d’état-membre de plein pied), comme le Vatican. Mais déjà un statut qui effraie: Car il permettra à la Palestine d’adhérer à nombre d’organisations internationales. De saisir La Cour Internationale de Justice, La cour pénale internationale… de porter devant des magistrats les dossiers des extensions des colonies, officielles ou sauvages, d’actions jugées comme des « crimes de guerres », des assassinats « extra-judiciaires »… Un tremblement de terre en perspective!

Mais cette manoeuvre politique redonnerait également immédiatement une aura, une puissance, une image, une force à  l’AP, l’Autorité Palestinienne, qui  a pris des sacré coups entre la délégitimisation qu’il doit à l’Israël d’Ariel Sharon puis de Benjamin Netanyahu, et la guerre sans loi que lui a mené le Hamas, prenant de force  le pouvoir à Gaza, ou Mahmoud Abbas de fait  ne peut plus se rendre. Les USA sont contre?. Ils suivent la ligne d’Israël, leur partenaire de toujours, plus stratégique que jamais dans une région en proie à tant de bouleversements » dit un proche d’Abbas, mais trop, c’est trop! Comment peuvent-ils condamner une décision sous prétexte qu’elle est prise unilatéralement? et qu’il faudrait plutôt relancer le processus de paix autour de la table! Un processus moribond ou rien n’a bougé depuis 2010! ».

D’autant que le territoire, la Cisjordanie, restée sous l’autorité palestinienne, a pris un autre visage depuis l’arrivée d’un homme unanimement respecté par ses pairs occidentaux: Salam Fayyad, ministre des Finances, puis premier Ministre de l’Autorité Palestinienne. Avec lui, les compromissions, les choix discutables, en tous les cas discutés, prises par Mahmoud Abbas, l’odeur de souffre liée au lien qui unissait Abbas et Yasser Arafat, tout cela n’est plus. Salam Fayyad, c’est l’homme qui incarne le renouveau de la classe politique palestinienne, dégagée de tout « parfum » de corruption, mais une classe politique efficace qui a fait de Ramallah un endroit parfaitement « fréquentable », un lieu de liberté, parfois de réussites économiques, mêmes si les finances de l’autorité Palestinienne ressemblent plutôt à un puis à sec. » Fayyad dit un de ses proches, ne connait ni l’excès des déclarations guerrières à l’emporte pièces, ni les compromissions liées au règne d’Arafat. C’est un homme ancré dans la modernité. Derrière la facade Abbas, il est celui qui sait ce que gérer veut dire, c’est un personnage politique de premier plan ».

Si l’ONU accorde le statut d’état-observateur à la Palestine, au sein même de l’enchevêtrement de clans divisés, et des faiseurs de guerre qui ne voient pas plus loin que le bout de leur fusil, ce sera une claque. En interne, le Hamas voit donc d’un très mauvais oeil cette manœuvre qui redonnerait légitimité et reconnaissance pour représenter les palestiniens, à l’échelon international ou régional.  » Vous imaginez une table avec Fayyah et Hanieh (le boss du Hamas) ironise un compagnon de route du 1er ministre palestinien? 2 mondes à l’opposé! Ajoutez-y les israéliens actuellement au pouvoir, les Netanyahu et autres Lieberman et vous aurez 3 planètes aux antipodes l’une de l’autre« .

Israel et l’initiative palestinienne: Un choc frontal, pire qu’une guerre?

Car c’est bien Avigor Lieberman, l’homme qui fut le « faiseur de roi » en 2010, permettant à un Netanyahu incarnat la droite dure opposée à tout compromis, de devenir Premier Ministre, bien que son parti ait été minoritaire en voix, face à « Kadima » mené par Tzipi Livni. Le parti russophone de Lieberman, un des plus farouches opposants des palestiniens, quelqu’ils soient, auteurs de déclarations fracassantes en la matière, a permis à Netanyahu de constituer un bloc parlementaire majoritaire. Lieberman, l’ancien portier de boite de nuit soviétique, devenu le king des formules-missiles à l’encontre des palestiniens, prononcées dans un mauvais hébreu, a fait payer cher son apport en obtenant le siège du ministre des Affaires Etrangères. ce qui n’a pas calmé ses ardeurs. Pour lui, l’initiative onusienne des dirigeants de l’autorité Palestinienne est une » menace » pour Israël, et à traiter comme tel…

C’est d’ailleurs, document à l’appui, avant que l’opération « Pilier de défense » ne soit engagé, ce que le MAE d’Israël s’en est allé expliquer en Europe, prévenant de ce qu’Israël pourrait faire si l’intiative aboutissait. On l’a oublié, au regard de la tournure qu’ont pris les événements dans la région, mais Lieberman a détaillé les mesures de rétorsion qu’envisagerait de prendre Israêl, contre l’Autorité Palestinienne, si celle-ci voyait son inititative couronnée de succès. Et il y a de quoi frémir. Car ces mesures ne mèneraient rien moins qu’a une destruction pure et simple de l’autorité Palestinienne. Menace de ne plus verser quelque argent que ce soit, même les sommes dues, menace d’annexer de fait les implatantions ou colonies de Cisjordanie, (la Judée et la Samarie a dit le Ministre de l’environnement faisant référence au vocable des tenants d’Eretz Israêl,  « grand Israêl »), ces implantations qui s’enfoncent déjà parfois si loin en territoire palestinien que la vie y est devenue impossible avec la barrière de sécurité…  Et menace d’éliminer Mahmoud Abbas (par tous moyens?) brandie par Lieberman qui accuse le leader palestinien « d’être un terroriste politique qui ne représente plus rien, et qu »Israêl le renversera s’il mène son projet à bien« … « Le prix à payer sera très lourd a ajouté un autre ministre actuel ». De quoi semer le spectre d’un chaos total qui a « scotché » les diplomates occidentaux, ne sachant plus comment réagir… Une réponse « douce » constituerait selon le gouvernement actuel, (les élections israéliennes sont prévues dans deux mois) serait interprétée comme de la faiblesse ont estimé  Lieberman et les membres de son entourage. et je cite « une impossibilité de négocier normalement avec les palestiniens » ( ce qui laisserait sus-entendre que possibilité de négociations normales il y a, alors que rien ne bouge depuis des années…).  En revanche si les palestiniens renoncent à leur projet, l’AP recevra des aides a promis Israël. De son coté Netanyahu a laissé dire, tout en modérant un peu, et en déclarant que a lettre d’intentions présentée par Avidgor Lieberman aux ambassadeurs occidentaux à Vienne, ne reflétait pas totalement ses propres positions…. Rien dans tout cela n’a fait fléchir en quoique que ce soit les palestiniens. « Pour la plus grande part, les Menaces sont du bluff « dit tranquillement un membre  éminent de l’AP.

Et les Américains?

Fidèles à leur politique traditionnelle que l’administration Obama n’a pas bousculé, les USA se sont rangés du coté d’Israël. Affirmant pour leur part, une fois encore, qu’il fallait revenir à la table des négociations, « table invisible » raille un diplomate palestinien. Quant aux négociations, ajoute t-il, ce serait un scoop s’il y en avait. D’autant qu’Israël n’a jamais négocié quoique ce soit, ni même adressé la parole, autrement qu’en menaçant à une partie qu’on ne peut éliminer: le Hamas. Qui règne par la force. et fédère à chaque offensive, ou contre-offensive israélienne sur le terrain militaire… La diplomatie US s’accroche à un processus initié en 1993, dont on a cru, avant l’assassinat d’Ytzac Rabin, (par un extrémiste juif), qu’il allait déboucher enfin sur une vraie paix, alors que ledit processus est depuis descendu -step by step- aux enfers et n’en est jamais remonté…

« Négocier dit un représentant de la gauche israélienne, c’est bien, mais avec qui et sur quelle base aujourd’hui?« .  En fait souligne à Tel-Aviv, un partisan de la paix, un autre israélien, citoyen ordinaire,  » j‘ai fait les guerres du Kippour et des 6 jours, je suis prêt malgré mon âge à reprendre un fusil, mais reprendre un fusil ne sert à rien, sinon à faire couler le sang, qui appelle le sang, et le processus de négociations a été tellement sabordé, conduisant aux situations extrêmes dans lesquelles nous sommes, que pour ma part, je ne vois rien comme avenir pour l’instant. C’est l’impasse totale. Quel que soit la manière par laquelle on envisage d’essayer de relancer une machine qui en finirait avec la loi improductive des armes qui règne de tout coté, et le mot  -négociation dont on ne sait plus avec quoi à l’heure actuelle, il rime.  Je suis désespéré.  »

Pour ajouter à l’imbroglio diplomatique, Mahmoud Abbas a reçu un coup de téléphone du chef du Hamas. Il l’a félicité pour sa « victoire ». Hanieh pour sa part a conjuré Abbas de ne pas renoncer à son action face aux menaces israéliennes!

Next Step. Next week…

Prochain épisode imminent.. Mahmoud Abbas présentera demain son projet à l’assemblée générale de l’ONU, ou il escompte bien obtenir une majorité de taille est une date historique dans l’histoire du conflit israélo-palestinien puisque c’est le 29 novembre 1947 que l’assemblée générale de l’ONU avait adopté la résolution 181, prévoyant la création en Palestine d’un état juif et d’un état arabe. Et les palestiniens peuvent déjà compter sur un soutien appréciable, et symboliquement très important: Celui d’un des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité à l’ONU, la France! Oui, Monsieur!  C’est dit, c’est dit. Les accolades, les sourires, et autres risettes entre François Hollande et Benjamin Netanyanahu avaient pu laisser planer un doute. Il est levé. A la grande surprise d’un « Bibi », furieux, qui se vantait d’avoir mis Hollande dans sa poche, et amorcé un retournement fondamental de la politique française dans leur approche du conflit israélo-palestinien. A l’un de ses proches, « Bibi » a assuré en riant: «  j’ai profité de son inexpérience et sa méconnaissance!« . Aujourd’hui le Premier ministre de l’Etat d’Israël qui pensait avoir berné, s’est fait berner, et n’est pas selon son entourage à prendre avec des pincettes sur le sujet depuis l’annonce française.

Si l’affaire n’était si grave, le choix de cette date prêterait presque à sourire, puisque chaque année,  le 29 novembre, L’ONU célèbre depuis « la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien ».

L’an dernier, l’actuel secrétaire général de l’organisation , Ban Ki-Moon avait déclaré:  » Nous réaffirmons notre intention à traduire la solidarité en action concrète. La communauté internationale doit contribuer à faire évoluer la situation vers un accord de paix historique ». 

Demain, on en sera loin, mais l’ONU n’en sera pas moins au pied du mur.

A Jérusalem, Frédéric Helbert.


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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