Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Syrie: Quand la Justice française libère un « candidat » parti faire la guerre. EXCLUSIF.

Publié le 05/12/2012 à 23h52 | , , , , ,  | 2 commentaires

Combattants étrangers en Syrie… Jihadisme ou Résistance? Les deux… Pour certains  c’est la guerre d’Espagne ». Ils partent sans aucun engagement religieux.

La Justice française a tranché en faveur d’un homme parti de France, convaincu par sa famille de revenir de Turquie, avant qu’il ne soit trop tard. Le débat a été vif entre experts de l’anti-terrorisme, après l’affaire Merah, mais finalement l’homme a été remis en liberté.

C’est une histoire singulière. Unique dans les annales de l’anti-terrorisme français et qui pose en l’espèce, -la guerre de Syrie- une question à laquelle il ne peut y avoir de réponse-type: la limite entre terrorisme et résistance.

-Révélations-

Il y a quelques temps, deux hommes, deux amis, deux français décident de partir en Syrie, pour y aller faire le coup de feu, auprès des rebelles luttant à mort contre le régime de Bachar el-Assad. Aucun engagement religieux dans leur démarche. Ils ne sont affiliés à aucune organisation terroriste. Ne sont pas fichés pour fréquenter des mosquées radicales, non, leur démarche est semblable dans leur esprit, à celle des hommes qui à l’époque, partaient comme volontaires pour se battre contre Franco aux côtés des républicains pendant la guerre d’Espagne. C’est l’indignation, le désir d’aider un peuple à conquérir sa liberté qui les guident. Alors ils décident seuls de partir, sans aucun lien avec des filières jihadistes qui envoient des combattants par centaines d’Europe ou du monde entier en Syrie.

La destination des deux hommes: la Turquie. Là-bas, ils savent qu’ils trouveront des camps d’entraînements, ou après une brève formation, ils seront envoyés de l’autre côté de la frontière. Mais l’un des deux hommes, au moins a révélé son projet à sa famille avec laquelle il va rester en contact jusqu’à son arrivée en Turquie. Une famille éplorée qui le supplie: « N’y va pas, n’y va pas » ! Alors que son compagnon est décidé, le jeune homme Lui commence à douter. Les suppliques de sa famille ébranlent ses convictions. Ce qu’il ignore alors c’est que les conversations téléphoniques ont été détectées et sont écoutées par les services français qui surveillent l’affaire de près. En fin de compte, l’amour familial va remporter la partie. Le jeune homme renonce. Son compagnon lui à l’inverse poursuit son chemin vers le théâtre guerrier de Syrie.

Ayant abandonné son projet à la grande joie des siens, le jeune « idéaliste » rentre en France. Sans savoir que le branle-bas de combat a été déclenché dans les rangs du staff anti-terroriste français, d’autant que l’affaire survient, (après le dossier Merah), alors qu’une loi a été votée pour durcir encore le dispositif permettant de « mettre la main » sur n’importe quel français parti vers « une terre de Jihad ». Or la Syrie, qu’on le veuille ou non en est devenue une aussi.

Et voila notre homme cueilli à son arrivée par les policiers, placé en garde à vue, puis déféré au Parquet anti-terroriste  avant d’être présenté à des juges spécialisés de la Galerie Saint-Eloi. L’homme a beau tenter d’expliquer qu’il n’a aucun lien avec une quelconque organisation religieuse radicale, qu’il n’est pas, n’a jamais été jihadiste, que son combat était celui de la liberté pour un peuple opprimé, qu’il s’en allait lutter contre un terrorisme d’état…L’affaire est trop belle… De quoi faire un exemple. Avec une belle mise en examen pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste », et un placement en détention à la clé.

Seulement voila, parmi les juges impliqués dans l’affaire, il n’y a pas « consensus », c’est le moins que l’on puisse dire. Là ou certains sont prêts à faire l’exemple et à l’envoyer « au trou » aussi sec, D’autres estiment que le dossier n’a rien de terroriste. Ou que l’homme n’a rien a faire là. Et que par ailleurs, il n’y pas eu le début d’une infraction. L’un des juges lâchera même plus tard en ironisant: « Jean Moulin aussi était terroriste, non?! ». L’affaire met sur la table cette éternelle difficulté à caractériser une définition du « terrorisme ». Elle démontre aussi l’impérieuse nécessité de maintenir en poste ces juges d’instruction spécialisés qui sont les experts de l’anti-terrorisme et à même de faire la part des choses et d’interpréter les lois…

L’opposition farouche d’un juge, permettra en fin de compte de libérer le jeune homme, qui, demi-mesure, sera placé sous le statut de témoin assisté.

« Envoyer cet homme là en prison aurait été ni plus, ni moins que bafouer les principes juridiques élémentaires. L’homme partait avec une mentalité de résistant, et un engagement n’ayant rien à voir avec ceux des jihadistes qui partent se battre en Syrie dit un membre d’un association de magistrats. Et puis au bout du compte, il n’a rien fait, pas même passé la frontière, et il est rentré pour reprendre une vie normale à la plus grande joie de sa famille et la sienne, même si ses convictions restent intactes »

« Les juges qui ont obtenu qu’il ne soit pas mis en examen et sa libération, ont fait leur travail avec un courage, une rigueur, dit un ancien patron de l’anti-terrorisme français, qu’il faut saluer. L’affaire Merah a rendu fou tout le monde. Il faut calmer les choses et plus que jamais garder la tête froide. Si l’homme avait fini en « taule », c’est là qu’il aurait pu basculer dans le radicalisme. Par ailleurs, si les avis sont tranchés à l’extrême sur le conflit syrien, chaque camp, et tous ceux qui s’en mêlent de part le monde se renvoyant des accusations de terrorisme à la figure, non loin de ce front qui génère des atrocités de toute part, comme toute guerre, nous pouvons avoir un point de vue politique, mais l’anti-terrorisme, c’est un métier, des lois spécifiques, des hommes chargés de l’appliquer.  Ceux qui ont permis la libération d’un homme parti, juste la révolte au coeur, et jamais au nom de je ne sais quel Dieu ont fait leur boulot, et l’ont bien fait ».

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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