Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


Attentat de Nice:A l’heure de l’hommage, les victimes toujours en quête de vérité…

Publié le 27/06/2017 à 22h01 | , , , , , , , , , , , , , ,  | Écrire un commentaire

Près d’un an après l’attentat, peu avant l’hommage de la nation, les juges anti-terroristes parisiens sont venus à Nice rendre compte de leurs investigations. Les parties civiles n’ont pas pour autant trouvé réponse aux questions qui les hantent. Enquête.

nice poids lours

La dernière attaque à grande échelle qui a frappé la France est celle de Nice. Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel  avait commis un carnage sur la promenade de anglais, au volant d’un poids-lourd de location  de 12 tommes, lancé à pleine vitesse, et faisant 86 morts, plus de 400 blessés, issus de 19 nationalités différentes. Perpétré en plein feu d’artifice, l’attentat avait touché un grand nombre d’enfants.

Près d’un an après cet ‘attentat, les juges sont donc venus de Paris, aux fins de répondre, dans la mesure du possible, aux questions des parties civiles sur l’enquête. Mais la spécificité de cette attaque et des conditions dans lesquelles elle a été commise, ont fait que celles des parties civiles qui sont venues au rendez-vous, dans un amphithéâtre universitaire de Valrose, n’ont pas eu les réponses qu’elles attendaient. Les juges étaient prêts à livrer des précisions sur Mohamed Lahouaiej Bouhel   (abattu par les forces de l’ordre à l’issue de la course meurtrière) le parcours, la préparation, les complicités d’un terroriste au profil « typique. « Mais tout ou presque avait déjà été rendu public, sur la personnalité et les moyens utilisés par le tueur, dit le père d’une victime. Notre quête de vérité est ailleurs, elle porte sur la faiblesse et les failles incroyables du dispositif de sécurité installé ce soir-là à Nice ». Sur ce point, qui avait donné lieu très vite après l’attentat à une vive polémique, les victimes n’ont rien appris. Car l’enquête a été séparée en 2 volets. « Les juges parisiens sont chargés de l’enquête criminelle, les investigations concernant les failles sécuritaires font l’objet d’une autre instruction. Ouverte bon gré mal gré par les autorités judiciaires locales. En avril dernier, le parquet de Nice, a été contraint d’ouvrir une information judiciaire sur les possibles failles d’un dispositif préventif de sécurité si facilement déjoué par le terroriste au camion. C’est la détermination de familles comme celles du petit Yanis, 4 ans, tué lors de l’attentat, qui a permis l’ouverture d’une enquête embarrassante pour les autorités. Et sur ce volet là, décisif, et où tant de questions demeurent, aucune réponse n’a été apportée aujourd’hui. Nombre de familles qui continuent à réclamer des comptes tant à l’Etat qu’à la ville de Nice et son maire ont d’ailleurs ignoré la réunion du jour. 

« Nous sommes reconnaissants aux juges anti-terroristes parisiens d’être venus à nous, mais la vérité sur les circonstances ayant permis l’attentat est ailleurs que dans leur dossier » dit un avocat de victimes. Et sur ce point, les familles ne sont pas apaisées, elles ne sont pas rassurées non plus, en l’état, au regard de la disjonction d’un volet essentiel de l’enquête. Celui sur les conditions du dispositif de sécurité installé le 14 juillet 2016. Il aura fallu d’ailleurs que des familles décident de déposer plainte sur ce volet précis, pour contraindre  le procureur de Nice, Jean-Michel Prêtre, a battre en retraite. Jusque-là il avait eu de cesse d’expliquer que selon lui aucune infraction pénale ne pouvait être caractérisée quant  aux conditions de sécurité du dispositif installé sur la promenade des Anglais que l’état et la ville de Nice avaient tout mis en oeuvre pour protéger les 30 000 personnes présentes au feu d’artifice du 14 juillet. En janvier dernier, une première enquête préliminaire, sur ce volet précis de l’affaire, avait été classé sans suite. Less parties civiles avaient alors  estimé que le procureur de Nice était juge et partie, en raison des liens réguliers entre le Parquet, la Préfecture, et la Mairie. Et certainement pas le mieux placé pour trancher…

 La responsabilité des autorités étatiques et municipales en première ligne.

Car de l’enquête préliminaire classée sans suite, il était apparu qu’elle avait pour le moins négligé l’objectif fixé. « vérifier la prise en compte du risque terroriste, pesant sur les festivités, et de « vérifier l’adéquation des moyens l’adéquation des moyens mis en oeuvre pour y parer suffisamment » et de « vérifier l’effectivité de la mise en oeuvre des dispositifs sur le terrain » ainsi que l’écrivait lui-même le Procureur de Nice.

« Le problème avait estiméau début du printemps dernier un des policiers étant intervenu le soir de la tragédie, c’est que cette enquête préliminaire avait été volontairement limitée. On n’y t a rien trouvé au final, qui permette de pointer d’éventuels dysfonctionnements structurels sur le terrain. Aucun rapport d’intervention. Nous mêmes, nous n’avons pas été entendus! Seule la hiérarchie a été interrogée… Aucune trace non plus dans le dossier de l’enquête préliminaire des échanges radios lorsque l’attaque terroriste est survenue. Aucune trace quant au fait  que l’info circulait très mal au moment des faits, du fait que les fréquences radios la police nationale et celles de la police municipale n’étaient pas les mêmes! ».  

Un autre enquêteur, relayant la colère des familles, s’était interrogé sur la « neutralité » du procureur de Nice. « C’est lui qui avait pris les dispositions permettant les contrôles d’identité le soir d’une fête ayant tourné au drame… Et il entretenait des rapports réguliers avec le DDSP, le directeur départemental de la Sécurité Publique »… Par ailleurs l’enquête de L’IGPN  était passé bien vite sur de nombreux mystères, mais l’IGPN, dépend du Ministère de l’Intérieur »… dont la responsabilité avait été explicitement pointée.

On se souvient des polémiques très vite survenues après l’attentat sur le « sérieux » et l’efficacité du dispositif. sur Le faible nombre de fonctionnaires requis, le placement discutable et discuté des barrages, et les moyens utilisés, censés bloquer toute circulation d’un véhicule sur la Promenade des Anglais,  On se souvient de la version de l’Etat alors soutenue par le premier ministre Manuel Valls (sifflé lors de sa venue à Nice)  et par Bernard Cazeneuve, version remise en cause notamment  par des enquêtes fouillées de journalistes parues dans plusieurs quotidiens, (et de celles ici menées). On se souvient d’une autre enquête préliminaire ouverte pour « abus d’autorité » suite aux déclarations de Sandra Bertin, la policière municipale, qui en poste au centre de supervision urbain, (dispositif de télé-surveillance municipal). Elle avait affirmé avoir subi des pressions venues du Ministère de l’Intérieur pour qu’elle modifie son rapport et fasse apparaitre des points de contrôle – de fait inexistants – de la Police Nationale. Alors que cette polémique était devenue éminemment politique, là-encore, le Procureur de Nice avait classé la plainte sans suite, en janvier dernier aussi. Le Ministère de l’Intérieur avait lui porté plainte en diffamation contre Sandra Bertin. Le jugement du procès qui s’est tenu récemment sera rendu en septembre prochain.

Mais le Procureur de Nice,  Jean-Michel Prêtre ne pouvait ignorer que des familles meurtries n’abandonneraient pas leur combat pour que toute la lumière soit faite. Le dépôt de plaintes avec constitution de partie civile a entrainé l’ouverture automatique d’une information judiciaire.

Deux juges d’instruction ont été désignés pour reprendre à zéro une enquête délicate, sensible. Les familles voulant se situer  hors du champ politique ont décidé de mener  leur combat pour la vérité, un combat visant tout aussi bien l’Etat, le gouvernement,  que la Ville de Nice, et la Préfecture, co-organisateurs d’un feu d’artifice, s’étant soldée par la mortelle randonnée du camion conduit par le terroriste, finalement tué, après un effroyable bain de sang. « Ce sont ces juges-là qui seraient à même de répondre à nos lancinantes questions, dit une des parties civiles endeuillée. Nous respectons les juges parisiens, et les remercions de leur venue, et de leur travail, mais cette rencontre a relevé du symbole pour nous. Nos frustrations restent intactes, nos questions demeurent sans réponse. Je n’ai rien appris aujourd’hui qui puisse permettre d’apaiser ma douleur, ou de penser que Justice nous sera rendue. Notre combat se poursuit. Nous savons quelle est notre cible, et ce que nous devons abattre: Les hauts-murs de la raison d’état ».

Frédéric Helbert


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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