Frédéric HELBERT, journaliste d'investigation

Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. (Albert Londres)


La sécurité du Président et de sa compagne: Les questions. Les réponses d’un pro ex-boss du SPHP*

Publié le 20/05/2012 à 08h39 |  | Écrire un commentaire

INTERVIEW EXCLUSIVE R.G QUERRY

Le couple présidentiel peut-il continuer à vivre dans un appartement comme tout à chacun? Que faudrait t-il pour s’adapter à une telle situation? Quel cout humain, financier et politique? François Hollande doit-il prendre des mesures de précautions particulières? changer son style, ne plus aller au contact des gens? Comment assurer la sécurité de sa compagne qui entend continuer à mener une vie de femme active? Une nouvelle bataille Police/gendarmerie à l’horizon? Les questions, les réponses « cash » d’un super-pro qui ne vise plus aucun poste dans la Police…

René-Georges QUERRY est un grand-flic, unanimement respecté dans la profession. C’est lui qui a « relifté » le SPHP* (service de protection des hautes personnalités) anciennement dénommé VO (les voyages officiels) et en fait un service de pointe. Ex membre de l’anti-gang, Querry fut aussi au cours de sa carrière patron de la coordination de la lutte anti-terroriste, (UCLAT), du SCTIP, et le monsieur Sécurité du Cinquantenaire du Débarquement, ainsi que celui de la Coupe du Monde 1998. Il exerce aujourd’hui dans le privé. La maison « Police » n’a aucun secret pour lui. Il y a gardé toutes ses entrées. Il répond sans détour à la question: Comment assurer la sécurité du plus haut personnage de l’état et celle de sa compagne, qui, bien que sachant que s’ouvre à eux un destin par vocation extraordinaire, affirment vouloir continuer à vivre « le plus normalement possible ».

FH.com- Est ce possible que François Hollande, et sa compagne continuent à vivre dans un appartement privé, dans un grand immeuble au coeur de Paris?

R.G Querry: « Techniquement c’est jouable, mais cela demande un important travail de sécurisation intérieur et extérieur, qui aurait un cout  financier, humain et, politique important. Tout serait à revoir dans un environnement peu propice pour l’heure à l’établissement d’une indispensable « bulle sécuritaire » pour le couple présidentiel. Il faudrait d’abord procéder à un « audit » complet de l’appartement et de l’immeuble dans le détail. Et ensuite à des aménagements techniques très spécifiques. Un point pour vous donner une idée par exemple: Les baies vitrés qui équipent l’appartement doivent être à l’épreuve des balles, mais aussi à l’épreuve de toute tentative d’espionnage. Il existe aujourd’hui des moyens sophistiqués permettant de « transpercer » une vitre et d’écouter les conversations de ceux qui sont à l’intérieur. Donc il faut parer à cette menace. Les nouvelles vitres, si on en installe, devront être opaques, permettant aux occupants de l’appartement de « voir le soleil et le ciel » -on ne va pas les enfermer dans une boite noire- mais empêchant ceux qui de l’extérieur essayeraient de voir et de détecter la présence et les mouvements du couple présidentiel ou de leurs proches à l’intérieur de l’appartement. C’est faisable bien sur mais pas gratuit!. D’autant qu’il faudrait ajouter, pour l’immeuble un système de détection d’intrusions, de la vidéo-surveillance, pour contrôler tous les alentours de l’immeuble, trottoirs, accès, entrées, sorties. l’immeuble, Les accès parking et le stationnement devraient également être sous surveillance permanente, voire limités. Pour éviter tout risque par exemple de voitures ou camionnettes piégées. Des hommes du SPHP, en civil, seraient aussi chargés d’avoir un oeil sur les allées et venues de voitures éventuellement suspectes, relever les numéros de plaque, procéder à des vérifications immédiates le cas échéant. En ce qui concerne les déplacements du Président, il serait nécessaire d’éviter une routine, et de ne pas permettre de savoir quand il sort ou revient chez lui. Sur ce chapitre, il faudrait « durcir » le système, avec ce qu’on appelle des « éléments précurseurs », des hommes en moto qui observent, et soient capables de sentir si tout est normal ou pas. A l’intérieur de l’immeuble, l’installation de caméras de surveillance pourrait être une nuisance et une atteinte à la vie privée des autres occupants de l’immeuble, donc il vaudrait mieux, mettre en place un dispositif de surveillance humain, léger, mais rigoureux. A l’évidence, il faudrait aussi sécuriser tout le système de communications téléphoniques de l’appartement du couple présidentiel. Et s’assurer qu’en aucun cas, les voisins immédiats, puissent constituer d’une manière ou d’une autre, un risque quelconque de perturbation de la vie du couple présidentiel. C’est donc jouable, mais cela impose une série de contraintes, financières, humaines, techniques, dont François Hollande et sa compagne devront tenir compte en termes d’impact politique, avant de faire un choix définitif, comme ils devront tenir compte d’éventuelles nuisances pour le voisinage ou le quartier, qui pourraient porter préjudice à l’image d’un Président en exercice. On n’est plus dans le cadre d’une maison, d’une résidence privée comme l’était la Villa « Molitor » pour Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ou la sécurisation était simple à faire, sans trop bouleverser la vie du voisinage ».

FH.com- La rumeur insistante du retour des gendarmes dans le Groupe de Protection et de Sécurité du Président, et donc d’un système mixte court actuellement. Qu’en pensez-vous?

R.G Querry: « A mon sens, ce serait une très mauvaise chose. Ca été fait par le passé. j’ai du m’adapter quand Jacques Chirac a instauré ce système de mixité, là ou Mitterrand avait, notamment pour des raisons qui ne sont plus un secret d’état maintenant, confié toute sa protection à 160 gendarmes! Avec Chirac, j’ai ramené des policiers dans le dispositif de sécurité, mais j’insiste, la mixité de 2 corps ayant chacun leurs modes de fonctionnement, leur codes, leurs systèmes de communication etc… n’est pas une bonne chose, ni pour l’ambiance, ni pour l’efficacité, encore moins au plan des investissements financiers. Autant, on peu le faire sur d’énormes dispositifs, ou les tâches sont réparties, comme ce fut le cas lors de la Coupe du Monde, en 1998. Mais pour une mission aussi sensible, « compacte », dense, que la sécurité du PR, il faut pas mettre deux entités, aux cultures, aux modes de recrutement, d’entrainement, de fonctionnement, différents, ça ne prend jamais. Le PR décidera, mais pour moi c’est une fausse bonne-idée! il n’y aurait pas la cohésion nécessaire. Aujourd’hui, il y a 80 policiers qui composent le GSPR. (Groupe de sécurité et de Protection du Président de la République) contre 160 à l’époque des gendarmes de Mitterrand! Donc si on met des gendarmes, ils voudront doubler un certain nombre de postes, se servir de leur propre système de transmission. Donc inévitablement cela entraînera des problèmes de surcoûts permanents, et des tensions, là où l’on a besoin de cohésion ».

« Je sais que François Hollande n’a pas été très satisfait de sa sécurité pendant la campagne (NDLR: remember l’entartrage du candidat FH), mais je sais aussi pourquoi le système n’a pas été aussi performant qu’il devait l’être. Ceux qui ont choisi les policiers  désignés pour assurer la protection d’Hollande, l’ont fait sur des critères plus politiques que techniques. Ils n’ont pas pris les meilleurs du SPHP, ceux qui sont à un même niveau mental, technique, physique que les hommes du RAID ou du GIGN et trustent les missions les plus sensibles en matière de protection rapprochée. Je sais que c’est un ancien du SPHP, qui milite au parti socialiste qui a composé l’équipe, choisie plus sur des critères « affectifs » que professionnels. Mais François Hollande ne doit pas ramener son jugement sur le SPHP et sa protection perso uniquement sur ce qui s’est passé pendant la campagne ».

FH.com- Est-ce que François Hollande devenu Président doit prendre des précautions ou peut-il continuer à être comme il le souhaite, un président de proximité se prêtant au jeu du « bain des foules »?

R.G Querry: « Un président de la République, dans un pays démocratique, on ne peut pas l’enfermer dans une bulle ultra-sécuritaire, où il serait coupé de tout! Aller à la rencontre des gens, cela fait partie des risques du métier, de la fonction. On n’est pas en Corée du Nord! Chirac et Mitterrand aimaient bien parfois, sans nous prévenir aller au contact des populations. Je me souviens d’une mission au Vietnam, ou François Mitterrand a décidé de lui-même, de sortir de l’hôtel, et victime de sa popularité, s’est vu entouré en quelques minutes par une foule de 200 vietnamiens. Il a failli être étouffé. on a eu le plus grand mal à l’extraire… Mais bon tous les présidents ont le droit de faire ce que bon leur semble. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, ou le « secret-service » impose sa loi au Président. Chez nous c’est une affaire de négociation, de discussion, d’estimation des risques, mais c’est toujours le président qui décide. A nous dans ce type de situation de faire au mieux, et à se focaliser surtout sur les mains qui se tendent vers le Président, pour détecter une éventuelle arme blanche ou une arme à feu. De toutes les façons, il n’y pas de risque zéro: Ronald Reagan a été victime d’un attentat où il a failli perdre la vie, Olof Palme Premier ministre suédois a été assassiné en se promenant seul. Ytzhac Rabin a été tué aussi par un extrémiste juif, mais là c’est vrai qu’il y avait une faute technique, puisqu’il n’y avait personne derrière lui. Nous nous sommes là pour tenter d’éviter au maximum les risques, ce qui demande une vigilance de chaque instant, mais ne peut forcément éviter le geste d’un fanatique ultra-déterminé. Je le répète, le risque zéro n’existe pas. A nous de savoir convaincre le Président, « lorsqu’on ne le sent pas » de nous faire confiance. Là encore je me souviens d’avoir réussi à dissuader Mitterrand de visiter un town-ship en Afrique du Sud, où il nous semblait que sa sécurité ne pouvait être assurée »…

Concernant la compagne du président, elle a manifesté son souhait de continuer à travailler, à s’assumer financièrement, est-ce compatible avec le souci du SPHP de protéger efficacement Valérie Trierweiller?

R.G Querry: « Tout dépendra de ses choix! Si elle a des rendez-vous prévisibles, un agenda clair, il n’y aura pas de problèmes. Mais si elle veut partir comme un grand-reporter, en oubliant son statut, ce ne sera pas jouable, ne serait-ce que parce que indépendamment des questions de sécurité vitale, elle risque d’être accostée, importunée sans arrêt par n’importe qui.  La mission du service de protection sera d’assurer, quelque soient ses choix, sa sécurité. Là encore, c’est trop tôt pour se prononcer. Il faut attendre de savoir comment elle entend organiser « sa nouvelle vie », et à partir de là, les policiers du SPHP devront trouver avec elle un terrain d’entente, ajuster un dispositif particulier, qui lui permettra d’évoluer librement, sans pour autant que sa sécurité personnelle soit mise en péril. Je connais bien les équipes qui composent actuellement le service, et leur patron, qui est super pro. Je crois que des questions restent posées, que des incertitudes demeurent, mais que le SPHP saura trouver les réponses, qui  dépendront des décisions présidentielles quant au mode de vie, et de fonctionner à la tête de l’Etat. J’ai une totale confiance dans la capacité d’adaptation, et la qualité humaine et professionnelle du service, afin que les choses se passent le mieux possible dans l’intérêt de tous ».

Propos recueillis par Frédéric Helbert.


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À propos de l'auteur

Grand-reporter de guerre, (souvent), journaliste d'investigation, multi-médias, tous terrains, membre de l'association de la presse judiciaire, passionné par les phénomènes terroristes depuis le début de ma carrière à Europe11. Tropisme assumé pour le Moyen-Orient et la péninsule arabe-musulmane. Jamais rassasié d'infos,  accro à tous types d'enquêtes et reportages, j'aime explorer le dessous des cartes de dossiers sensibles. En toute liberté. Vos témoignages, vos infos, vos commentaires sont  bienvenus!

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